Les adieux à Matiora
Lointaines et mystérieuses, hostiles ou voluptueuses, microcosmes infernaux ou mondes rêvés, les îles ont toujours éveillé l’imaginaire des cinéastes. Isolées par nature, elles sont bien souvent des lieux de perdition, de façon métaphorique ou littérale, propices à l’errance, à l’introspection et à l’oubli. Circonscrites par les eaux, elles sont le décor idéal de huis clos et d’aventures intenses où la mise en scène se plie aux contraintes géographiques. Alors que bien des îles réelles sont aujourd’hui en voie de perdition, nous vous proposons de revisiter quelques îles de fiction sur le rivage desquelles le cinéma s’est merveilleusement échoué.
Alors que l’île de Matiora est menacée par la construction d’un barrage, ses habitants se mobilisent pour empêcher sa disparition, mais doivent malgré tout s’apprêter à faire leurs adieux à leur village et à la terre de leurs ancêtres. Le film était au départ le projet de la cinéaste Larissa Chepitko, mais lorsque celle-ci est décédée dans un accident de voiture en repérage pour le tournage, son veuf Elem Klimov a repris la réalisation.

Elem Klimov
Elem Klimov est un réalisateur russe surtout connu pour son ultime chef-d'œuvre, Come and See, sorti en 1985. Il amorce sa carrière cinématographique avec Soyez les bienvenus, une satire sulfureuse sur l'univers des camps de vacances en été. Cette démarche satirique s'accentue avec Les aventures d'un dentiste, suscitant l'ire des bureaucrates de la hiérarchie cinématographique. En 1970, il tente une nouvelle approche avec le documentaire Sport, sport, sport, en y intégrant des séquences jouées. Ce même mélange se retrouve dans son film Raspoutine, l'agonie (1981), évoquant la chute de la dynastie Romanov. Cette œuvre ne voit le jour que sept ans après sa réalisation, confrontée à la censure en raison de sa violence et de l'âpreté de son regard historique, des éléments inhabituels dans le cinéma soviétique. Il faudra également sept années avant qu'il n'obtienne l'autorisation de tourner Come and See, une œuvre encore plus poignante dépeignant la politique d'annihilation allemande dans les centaines de villages biélorusses lors de la Seconde Guerre mondiale, à travers le récit d'un jeune partisan de 15 ans. En 1979, son épouse, Larissa Chepitko, perd la vie à l’âge de 40 ans dans un accident de la route alors qu’elle travaille sur Les adieux à Matiora. Klimov reprend alors le film et mène le projet à terme.
