L'orfèvre et l'artisan
« L’image est une partition que le monteur sonore doit étudier, pratiquer, monter, interpréter. Il module, arrange, orchestre les différents paysages sonores selon différentes intensités pour obtenir les émotions recherchées. » Voilà ce qu’écrivait le monteur et concepteur sonore Claude Beaugrand dans un magnifique texte paru dans la revue 24 images en 1992. À la fois orfèvre et artisan, il plongeait dans l’œuvre des réalisateurs avec lesquels il collaborait afin, disait-il, d’y trouver le « cœur du film ».
Notre hommage à Claude Beaugrand, disparu le 8 octobre 2023, propose de mettre en valeur le talent et la polyvalence de l’artiste, de sa façon non naturaliste de travailler le son, depuis La plante humaine, de Pierre Hébert, jusqu’à Maurice Richard, de Charles Binamé, en passant par ses deux courts métrages rarement vus, Clichés et ramasse-miettes et Peines perdues, brillantes réflexions sur l’image et le son.
En présence de Jeannine Gagné et Sylvain L’Espérance
À l’origine, le cinéma était muet. Mais l’était-il vraiment? Puis le son est arrivé et a modifié notre façon de voir, de comprendre et de créer des images. Véritable leçon de cinéma philosophique et esthétique menée de façon libre par le réalisateur, Clichés et ramasse-miettes nous invite à redécouvrir notre rapport au son et notre conception de la vraisemblance du son, au fil des bribes d’interventions de Henri-Cartier Bresson, de Jean-Luc Godard, du philosophe Georges Didi-Huberman et d’autres, recueillies par le réalisateur. Un film essentiel pour apprécier la démarche de Claude Beaugrand.

« Aussi, au cinéma, comme les images défilent à 24 images par seconde, faites attention à la suivante. » Cette phrase placée en exergue de Peines perdues indique bien que le cinéma est une fabrication mécanique et que le mouvement y est illusion. Par fragments, par intégration d’extraits de films, d’œuvres d’art visuel et de pièces d’archives, Claude Beaugrand aborde des moments de l’histoire, ses débordements, ses injustices, composant, pour donner du sens et une force émotionnelle à ses images, un tissu sonore qui est un récit en lui-même.

Ce court métrage documentaire est une chronique du quotidien des gens de la ville. On y entend des témoignages de citoyens sur des images en noir et blanc de la vie au centre-ville.

Claude Beaugrand
Claude Beaugrand est un ingénieur du son et un concepteur sonore québécois. Il fait la rencontre déterminante d'Arthur Lamothe en 1969, alors qu'il est stagiaire lors du tournage du documentaire Le mépris n'aura qu'un temps (1973). Au sein de la société de Lamothe, il devient progressivement ingénieur du son et collabore ensuite à une dizaine de films réalisés par ce dernier. Au milieu des années 1970, il collabore avec Pierre Perrault pour les quatre films du cycle abitibien et est responsable de la prise de son de la série Le son des Français d'Amérique (1974-80) de Michel Brault et André Gladu. Ces trois contributions majeures font de Claude Beaugrand l'un des ingénieurs du son les plus réputés dans le milieu du documentaire québécois, son aptitude à travailler dans des conditions difficiles étant soulignée par plusieurs observateurs. Dans les années 1980, il se consacre de plus en plus à la conception sonore. Ses recherches sonores trouvent un terreau fertile dans des films plus expérimentaux (La plante humaine de Pierre Hébert et Le trésor archange de Fernand Bélanger), mais aussi dans des longs métrages de fiction dont il signe le design sonore : Trois pommes à côté du sommeil de Jacques Leduc et Les matins infidèles de Jean Beaudry et François Bouvier. Dans la décennie 1990, Claude Beaugrand collabore à des films bénéficiant de budgets importants tout en continuant son travail auprès de cinéastes qui privilégient une démarche plus artisanale. Il développe notamment une complicité avec Charles Binamé, qui s'amorce avec Eldorado (1995) et qui se poursuit avec Séraphin : un homme et son péché (2002) et Maurice Richard (2005), deux superproductions québécoises.
Photo : Bernard Gosselin

Jeannine Gagné
Après dix ans au collectif Les Films de l’Autre, Jeannine Gagné, cinéaste et productrice, fonde Amazone Film, compagnie qui se spécialise dans la production de films d’auteur. Elle est aussi professeur invitée à L’inis, ainsi que consultante en production et en scénarisation. Elle participe à divers jurys. Son travail a fait l’objet d’une rétrospective à la Cinémathèque québécoise, d’un hommage au Festival Regard au Saguenay et les RVCQ ont souligné les 10 ans de sa compagnie en 2009. Elle a réalisé des films expérimentaux, des documentaires et des fictions.

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Sur notre blogue

L'univers sonore de Claude Beaugrand vu par Olivier Calvert
À titre de monteur sonore, Olivier Calvert a travaillé aux côtés du regretté Claude Beaugrand pour les films Maurice Richard, Soie, Yellowknife et Embrasse-moi comme tu m’aimes, pour ne nommer que ceux-là. Nous l’avons invité à plonger dans ses souvenirs de sa collaboration avec Claude Beaugrand, qui s’est éteint le 8 octobre 2023.