“Il n’y a rien d’autre dans la vie que la jeunesse et l’amour.”
Carl Th. Dreyer Extrait du dialogue de GERTRUD
Le cinéma de Marc-André Forcier en est un de personnages. Il nous révèle, à la manière du cinéma muet, des êtres à la fois grotesques et tragiques. Au-delà de l’apparence caricaturale, le cinéaste nous laisse pressentir un double fond en chacun d’eux. Il décrit avec une singulière crudité leurs angoisses d’amour. Ce sont des êtres souffrants, malades de l’amour, se dissimulant derrière un masque.
Une seule exception à la règle : les enfants. Dans les films de Forcier, comme dans la vie, ils sont ce qu’il y a de plus attirant. Libres et malins, ils demeurent la négation même de la mort, de ceux dont la vie est sans amour, donc sans appâts.
À défaut de vivre sa vie, il vaut mieux la rêver. Pas de retour possible en arrière pour ces personnages-adultes, il leur reste le délire des grands enfants: imaginer la venue de l’extra-terrestre ou l’apparition de Saint-Joseph, inventer l’Albinie et croire à une éventuelle cryologie.
Un authentique créateur en matière de cinématographie ne se contente pas de calquer le réel, il l’invente. Le grand talent de Forcier est de jouer, non sans périls, avec le réel et l’imaginaire, de manier avec équilibre le quotidien et le fantastique, le vrai et le faux. En somme, un travail sur la mémoire, dépassé par l’extraordinaire.
Pierre Jutras