Numéro deux
À partir de la fin des années 1960, Godard se fait à la fois acteur et observateur des remous de son temps. Il capte les frémissements pré-1968 comme le déclin des trente glorieuses, la société des grands ensembles et des embouteillages... Au cours de cette période marquée par sa relation avec Anne Wiazemsky, il devient de plus en plus politique tout en conservant un regard critique amusé : ainsi, les militants mao n’apprécient guère La chinoise. À partir de 1968, il se radicalise et cherche à faire du cinéma autrement : il s’essaie au pamphlet, au cinétract, au documentaire antispectaculaire, et revendique l’anonymat en fondant le groupe Dziga Vertov avec son ami maoïste Jean-Pierre Gorin. Sur le terrain, il se mobilise pour Henri Langlois, contre la guerre du Vietnam, pour la cause palestinienne… La seconde partie des années 1970 marque une nouvelle phase, alors que sa rencontre avec Anne-Marie Miéville coïncide avec son passage à la vidéo.
Devant son écran vidéo, Godard parle, s'interroge et filme la vie d'un jeune couple.
«C'est une autre localisation dans mon histoire et dans l'histoire du cinéma, qui est elle-même une partie de mon histoire et de ma vie. La caméra n'est pas un stylo pour écrire, un fusil pour tirer. Numéro deux, c'est réfléchir une 2e fois sur le film fait il y a 15 ans.» (Godard, 1975)
Jean-Luc Godard
Né à Paris en 1930, Jean-Luc Godard grandit au bord du lac Léman, se passionnant en premier lieu pour la peinture. Après la Seconde Guerre mondiale, qu'il passe à l'abri en Suisse, sa famille l’envoie étudier à Paris, mais Godard y fréquente surtout les ciné-clubs et la Cinémathèque française. À l’aube des années 1950, il fréquente le Ciné-club du quartier latin où il fait la rencontre décisive de Maurice Schérer (bientôt Éric Rohmer), François Truffaut, Claude Chabrol et Jacques Rivette entre autres, avec lesquels il fait ses premiers pas en tant que critique et se lance dans l’aventure des Cahiers du cinéma. Après la réalisation de quelques courts métrages, il passe au long dans la foulée de François Truffaut en réalisant en 1960 À bout de souffle, qui contribue au coup d’envoi de la Nouvelle-Vague. Il ne cessera de tourner jusqu’aux années 2010, constituant au fil des décennies une œuvre exploratoire qui a toujours repoussé les limites du cinéma.
Photo : ©Bertrand Carrière | Collections de la Cinémathèque québécoise
Anne-Marie Miéville
Née en 1945 à Lausanne, Anne-Marie Miéville exerce la profession de photographe et est gérante d'une librairie. En 1972, à Paris, elle rencontre Jean-Luc Godard, qui devient son compagnon jusqu'à la mort de celui-ci en 2022. De 1973 à 1994, elle collabore avec lui en tant que photographe, scénariste, monteuse, coréalisatrice ou directrice artistique. Elle réalise ses premiers courts métrages au début des années 1980 et continue depuis à réaliser des films. Elle est également écrivaine.