CinémaHelen of Four Gates sera enfin projetée après 80 ans d’absence
Notre prochaine séance de cinéma muet en musique est consacrée à un film au parcours fascinant. Après avoir été perdu de vue pendant 80 ans, ce classique anglais de Cecil Hepworth est réapparu sur les écrans grâce à des chercheurs passionnés et aux trésors qui se cachent dans les voûtes de la Cinémathèque québécoise. Le Guardian avait relaté cette histoire en 2010 dans un passionnant article dont nous vous proposons ici une traduction.
Helen of Four Gates de Cecil M.Hepworth
Après des recherches dans le monde entier pour retrouver la dernière copie du film, le classique de 1921 de Cecil Hepworth, sera projeté dans la ville du Yorkshire où la première a eu lieu.
Un classique de la cinématographie britannique ayant, entre autres, contribué à la naissance du système hollywoodien et des superproductions sera à nouveau présenté au Royaume-Uni à la suite d’une longue recherche pour retrouver la dernière copie du film.
Véritable mélodrame du XIXe siècle, l’épopée muette de 90 minutes Helen of Four Gates a été présentée pour la dernière fois en Angleterre dans les années 1920.
Basé sur un roman qui a pris d’assaut le monde littéraire à la fin de la Première Guerre mondiale, le film a attiré les foules lors de sa sortie en 1921. Les critiques ont reconnu la force de sa distribution, et surtout le paysage idyllique de la petite ville de Hebden Bridge, où le réalisateur Cecil Hepworth a tourné une grande partie de l’œuvre.
Malgré les éloges, notamment lors de la première à Glasgow au Grosvenor Picture, où le film était accompagné d’un organiste et d’un orchestre symphonique, les bobines ont subi le même sort que presque toutes les œuvres du réalisateur lors de l’effondrement de son entreprise. Débutant en 1896 avec une cabane dans son jardin, il a par la suite élargi en studios occupant toute la rue, pour finalement faire faillite en 1924.
« La plupart de ses films ont été fondus en raison de leur teneur en nitrate d’argent », explique Nick Wilding, cinéaste installé à Heptonstall, qui surplombe le cinéma d’Hebden Bridge, où Helen of Four Gates sera présenté la semaine prochaine. « Il existe d’autres vestiges plus courts de son œuvre, notamment une version très ancienne d’Alice au pays des merveilles réalisée en 1904. Mais elle ne dure que dix minutes. Helen est un long métrage ».
Après plus de cinq ans de recherche dans le monde entier, de collecte de fonds et de négociation de droits d’auteur, la nouvelle copie produite par Wilding sera également projetée au mois d’août dans le cadre du festival Long Live Film du British Film Institute, qui célèbre les 75 ans de ses archives. Elle sera ensuite conservée dans les voûtes du BFI et mise à disposition pour de futures projections, afin d’éviter un autre hiatus de 80 ans.
La nouvelle copie a été produite à partir d’une pellicule que Wilding a retrouvée dans les archives de la Cinémathèque québécoise à Montréal, mais la fragilité du film a soulevé des inquiétudes quant à la possibilité d’en faire une copie. D’autres recherches ont permis de trouver une autre copie à New York, réalisée à partir du négatif Canadien plusieurs années auparavant, mais qui n’était pas de très bonne qualité.
Helen of Four Gates de Cecil M.Hepworth
Portrait de Cecil M. Hepworth
Les défis techniques ont finalement été surmontés et l’autorisation a été donnée pour la projection à Hebden Bridge, où Hepworth a présenté la première de son œuvre originale. Des centaines d’habitants s’étaient entassés au Co-operative Hall pour assister à la représentation et voir l’immortalisation de leurs terrasses abruptes et de leurs usines. La ville conserve d’ailleurs la copie de la brochure spéciale produite pour l’occasion.
« Helen est un film très important dans l’histoire du cinéma », mentionne M. Wilding. L’actrice qui joue le rôle principal, Alma Taylor, a été l’une des premières à porter le titre de « star », et elle l’a bien mérité. Taylor a joui d’une immense popularité dès sa première apparition à l’écran, où elle jouait une jeune fille vive et espiègle dans les comédies de Tilly. Basée sur la vie de son auteure, Ethel Carnie Holdsworth, Helen est l’histoire classique des femmes du nord de l’Angleterre, qui ont trimé dur pour survivre. Elle a été l’une des premières romancières britanniques issues de la classe ouvrière et a acquis une renommée internationale avec son livre This Slavery (1925), qui a reçu des critiques élogieuses de partout — le Manchester Guardian de l’époque l’a qualifié de « remarquable et distinctement original ».
Wilding souligne : « Elle a en fait écrit le livre ici, à Heptonstall, dans sa maison juste en face de la mienne. Elle a fait venir Hepworth ici et lui a montré des endroits magnifiques dans les landes, comme les chutes de Lumb. C’est ce qui l’a décidé à tourner ici. Helen est maltraitée par tous les hommes de sa vie et le film comporte des scènes choquantes, notamment celle où elle est fouettée. Il serait intéressant de connaître la réaction du public du début des années 1920, plus habitué à voir des personnages comme Charlie Chaplin. La vie des femmes a certainement changé depuis cette époque, mais il est fascinant de voir à quel point le paysage ici semble inchangé — il est onirique et luxuriant entre les mains de Hepworth ».
Cette nouvelle copie du film réalise également un vieux rêve de la fille de Hepworth, Valerie Williamson, qui a pu visionner une série de prises de vue, sans jamais pouvoir voir la version complète. « Elle a regardé une séquence de 10 minutes de plans fixes et de musique que j’avais compilés et qui comprenait l’introduction de son père dans la brochure remise aux spectateurs lors de la première, il y a 90 ans », déclare M. Wilding. « Elle m’a dit qu’elle garderait toujours le sentiment d’avoir enfin vu le film, même si elle ne vivrait probablement pas assez longtemps pour assister à la véritable représentation ».
Helen of Four Gates de Cecil M.Hepworth
Helen of Four Gates de Cecil M.Hepworth
Note de bas de page ajoutée le 12 janvier 2011
Il nous a été demandé de souligner que les efforts pour faire renaître le film « perdu » Helen of Four Gates ont été facilités par le travail de** Chris Lynch**, qui, à la suite de ses propres recherches en 2007, a fourni des informations en ligne qui ont permis de localiser une copie originale du film à la Cinémathèque québécoise à Montréal, et une autre version 16mm au George Eastman Museum à New York.
