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ProgramSerge Giguère, prix Albert-Tessier 2021

Guillaume Lafleur
March 25th, 2022
Serge Giguère, prix Albert-Tessier 2021

Il y a plusieurs voies possibles à emprunter pour aborder le cinéma de Serge Giguère. L’une des plus évidentes a trait à la musique et notamment à ces deux films que Giguère réalise entre la fin des années 1980 et le début des années 1990 et que nous avons numérisé, restauré ces derniers mois : Oscar Thiffault et Le roi du drum, consacré au percussionniste et batteur Guy Nadon («le plus grand des mauvais batteurs», affirmera, pince-sans-rire, le jazzman montréalais Vic Vogel).

C’est dans son film Le gars qui chante sua jobbe (1988) qu’il résume peut-être en des mots si simples l’essence même de l’élan créatif qui anime les musiciens dont il documente l’expérience, ouvrant le champ pour définir plus largement tout acte poétique ayant un minimum d’envergure. Le frère de Serge Giguère, Bruno, sujet principal de ce film, raconte ainsi à l’un de ses proches combien chanter en travaillant (il est concierge dans un hôpital) lui permet d’animer un autre aspect de son existence sinon demeurée en veilleuse, lui faisant reconnaitre une dimension plus souterraine et sensible à son expérience sur terre.

Ses films sur Guy Nadon, sur Oscar Thiffault racontent et expliquent la même chose, c’est-à-dire non pas le simple et banal affranchissement d’artistes issus d’un milieu ouvrier et populaire, mais plutôt combien la prise en compte de la culture de ce milieu, en la prolongeant d’une certaine manière, avec humour, avec un sens du décalage, avec une créativité débridée, adviennent avec l’émergence d’individus hors normes. C’est précisément ce que montre astucieusement cette scène où Nadon veut affronter le légendaire batteur américain Buddy Rich en inscrivant avec détermination et entrain à la peinture blanche sur une vieille américaine, stationnée dans un terrain vague : « Buddy Rich VS Buddy Poor ».

Cette programmation, sans être exhaustive, permettra de prendre la mesure d’un travail au long cours réalisé et produit par un cinéaste indépendant dont la pratique documentaire n’a jamais dévié d’un objectif premier, soit l’extrême sollicitude pour les sujets qu’il filme et le souci de retransmettre par ses images la parole donnée à entendre là où elle s’inscrit : dans un projet de vie qui cherche à s’exprimer de la manière la plus directe et franche qui soit.