ProgramDelon solaire
La Cinémathèque québécoise rend hommage à Alain Delon, qui nous a quittés cette année. De sa riche filmographie, nous avons extrait trois films « solaires » qui témoignent de son charme incandescent et de sa stature internationale : un film français (Plein Soleil de René Clément, 1960), un film italien (L’Eclisse de Michelangelo Antonioni, 1962) et une coproduction franco-italo-espagnole tournée en anglais (Soleil rouge de Terence Young, 1971).
S’il se fait d’abord connaître dans des comédies romantiques où son physique de jeune premier lui permet d’être comparé à James Dean, c’est avec Plein Soleil que naît véritablement le « mythe Delon ». René Clément lui offre son premier grand rôle : celui de Tom Ripley, un personnage issu de l’imaginaire de Patricia Highsmith qui apparaît dans nombre de ses romans. Dans ce film, Ripley usurpe l’identité et dérobe la fortune de sa victime, le fils d’un milliardaire américain. Tout à la fois bandit et séducteur, Delon expérimente cette ambiguïté qui fera le succès de ses compositions ultérieures. Son jeu minimaliste, son regard magnétique et son pouvoir d’attraction le font connaître à l’international.
Thriller chauffé par le soleil du littoral italien sur une musique de Nino Rota, Plein Soleil marque également le début d’une longue histoire d’amour entre l’acteur et l’Italie. Il y tournera des chefs d’œuvre, notamment Rocco et ses frères (1960) et Le Guépard (1963) de Luchino Visconti. Faute de toute possible exhaustivité, nous retiendrons sa performance dans L’Eclisse de Michelangelo Antonioni, dernier volet d’une « trilogie de l’incommunicabilité » du réalisateur italien comprenant L’avventura (1960) et La notte (1961). Dans L’Eclisse, il incarne Piero, un courtier en bourse vivant une aventure tumultueuse avec Vittoria (Monica Vitti), une traductrice littéraire. Son personnage, complexe et ambivalent, incarne à lui seul le matérialisme contemporain décrié par le cinéaste. L’interprétation d’Alain Delon, entre fragilité et rugosité, préfigure ses rôles de policiers taciturnes.
S’il est évident que Plein Soleil et L’Éclipse font figure de points d’orgue dans l’histoire du cinéma, Soleil rouge de Terence Young appartient à ces raretés qu’il nous tarde de (re)découvrir. Alain Delon y côtoie une distribution internationale : l’Américain Charles Bronson, le Japonais Toshiro Mifune et la Suisse Ursula Andress. Le tout dirigé par un cinéaste britannique, sous haute influence du western spaghetti, des récits de l’Ouest américain et des films de sabre nippons. L’histoire est celle d’une traversée de l’Ouest des États-Unis, celle d’un ambassadeur japonais partant à la rencontre du président pour lui remettre un sabre d’une valeur inestimable. Son convoi transportant aussi de l’or, il est attaqué par des brigands, Link (Bronson) et Gauche (Delon) en tête. Delon dévoile dans ce film une autre facette de sa palette de rôles : celle de l’animal à sang froid. Tueur féroce et as de la gâchette, Gauche n’en est pas moins un dandy aux goûts vestimentaires raffinés, concordant ainsi avec l’élégance inhérente aux rôles de l’acteur français.
Si Alain Delon a donné la réplique aux plus grandes stars (Jean Gabin, Romy Schneider, Claudia Cardinale, Burt Lancaster, Omar Sharif…) et été dirigé par les plus grands cinéastes (Melville, Cavalier, Godard, Losey, Deray…), il a tout de même émis un regret : celui de ne jamais avoir tourné sous la direction d’une femme.