ProgramHorreur – Qui a peur du croque-mitaine ?
Dans presque toutes les cultures, on retrouve la présence inquiétante d’un personnage maléfique qui sert à faire peur aux enfants – mais finit parfois par faire peur aux adultes… Qu’on l’appelle le croque-mitaine, Baba-Yaga, le bonhomme de sept heures ou le boogeyman, ses héritiers peuplent le cinéma d’horreur, qui raffole des monstres tortionnaires plus grands que nature.
Halloween de John Carpenter fait explicitement référence au Boogeyman : Michael Myers est le cauchemar de l’Amérique, le mal absolu engendré au cœur même d’une banlieue proprette aux pelouses impeccablement tondues. Convoquant le souvenir de pulsions refoulées et d'une violence larvée, il est indestructible, voué à ressurgir éternellement parmi les braves gens.
Dans A Nightmare on Elm Street de Wes Craven, Freddy Krueger pervertit la jeunesse de façon plus insidieuse encore, s’immisçant dans les rêves des adolescents, qui sont désormais condamnés à garder les yeux ouverts et à lutter sans répit contre leur subconscient. Friday the 13th de Sean S. Cunningham complète la trinité du mal à l’américaine : Jason Voorhes revient lui aussi hanter une société qui l’a persécuté en gâchant les vacances de la jeunesse dorée au camp Crystal Lake.
Au Japon, le spectre de la mauvaise conscience collective a un pendant qui est cette fois féminin : Sadako, inventée par l’écrivain Koji Suzuki, est devenue une véritable icône à la suite de sa terrifiante appartion dans le Ringu de Hideo Nakata. Silhouette blafarde et longs cheveux noirs devant le visage, elle est l’héritière des onryo de la mythologie japonaise, ces esprits vengeurs, souvent féminins, ayant été victimes d’une mort violente.
Dans The Babadook enfin, Jennifer Kent invente son propre croque-mitaine, le Babadook, qui s’échappe d’un conte pour enfants pour s’immiscer dans le quotidien conflictuel et lourd de non-dits d’une mère et de son jeune fils. Objet de transfert, de dialogue et de conjuration autant que de terreur, le monstre devient ici l’incarnation sublimée des démons intérieurs, comme le cinéma d’horreur a su en inventer depuis plus d’un siècle.