ProgramRedécouvrir Le mépris n’aura qu’un temps en version restaurée
Mise en contexte de la restauration
Un nouveau cycle de projections récurrent vient compléter depuis quelques mois notre programmation : « Les restaurations de la CQ ». Derrière cet intitulé se cache un projet de restauration de films qui a débuté en 2018, principalement grâce au soutien du ministère de la Culture et des Communications du Québec dans le cadre de son Plan culturel numérique (PCN). La Cinémathèque québécoise s’est donnée pour mission de réhabiliter en priorité des œuvres indépendantes du cinéma québécois (les sources sont numérisées et la restauration effectuée sur fichiers numériques). Le mépris n’aura qu’un temps d’Arthur Lamothe, documentaire produit par la CSN (Confédération des syndicats nationaux) dans une perspective militante, fait partie de la première génération de films restaurés dans ce contexte.
En tant qu’institution dédiée à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine audiovisuel québécois, la Cinémathèque conserve dans ses collections des œuvres qui reflètent toute la variété et la diversité de notre cinéma, jusque dans ses pans plus méconnus. Ce sont sur ces créations moins souvent choyées, et qui ne sont pas couvertes par d’autres programmes de mise en valeur, que se portent nos projets de restauration : films de femmes, cinéma expérimental, essais documentaires, courts métrages d’animation… Autant d’œuvres créées en marge de l’industrie, en employant souvent d’autres chemins que les méthodes techniques traditionnelles – ce qui, à l’heure d’un projet de restauration, peut charrier son lot de défis. Il n’est pas toujours possible de compter sur la chaîne de production habituelle d’un film (négatif; interpositif; internégatif; copies de projection) et il faut alors composer avec les éléments à disposition.
Souscrivant aux principes établis par la FIAF (Fédération internationale des archives du film), la Cinémathèque vise dans ses restaurations à être fidèle aux œuvres telles qu’elles ont été vues par le public lors de leur diffusion. La restauration obtenue ne prétend pas constituer une forme définitive de l’œuvre, elle en propose plutôt une version. Celle-ci correspond à un compromis entre les caractéristiques historiques de l’œuvre d’origine et le désir de la présenter au public avec la meilleure qualité de projection possible. Il ne s’agit pas par exemple de gommer les défauts techniques lorsqu’ils appartiennent à la création initiale et reflètent les conditions de production de l’époque. On peut toutefois les atténuer afin de faciliter l’appréciation du film par un public contemporain.
L’objectif crucial de ce travail de restauration est de permettre aux œuvres de circuler à nouveau. Il est important de rappeler à ce titre une spécificité historique : le cinéma québécois indépendant des années 1960 aux années 1990 se caractérise par l’emploi massif du 16mm. La production de DCP permet aujourd’hui de redécouvrir ces films qui sinon ne pourraient être projetés que dans l’enceinte de la Cinémathèque, voire ne plus être vus du tout en raison de leur format. La restauration du Mépris n’aura qu’un temps, réalisée à partir de matériel déposé par le cinéaste à la Cinémathèque dès 1972, avec comme référence un tirage effectué pour notre 40e anniversaire, est un exemple de choix de cette entreprise de longue haleine. — ACO
Merci à Stéphanie Côté, responsable de la documentation et de la restauration des films, pour ses éclairages.
L'importance du film d’Arthur Lamothe
Le contexte de production du film Le Mépris n’aura qu’un temps est singulier : financé par la Confédération des syndicats nationaux (CSN), il est pourtant l’un des films exemplaires du cinéma-direct au Québec, sous son versant le plus politique, au même titre qu’Un pays sans bon sens ou encore 24 heures ou plus. La rareté de ce film produit hors du contexte de l’ONF (comme la plupart des documentaires de Lamothe, d’ailleurs) fait en sorte qu’il était devenu invisible. Il était donc crucial pour nous de lui redonner sa juste place dans l’histoire du documentaire au Québec. La correspondance avec les films de Groulx et Perrault mentionnés plus haut n’est pas simplement contextuelle, puisque Lamothe partage avec eux une volonté de proposer un portrait de la société québécoise au moment où le film est produit.
Aujourd’hui, cela veut dire retrouver les modes de vies singuliers du milieu ouvrier de la construction au tournant des années soixante-dix ; découvrir la violence et la vitalité des manifestations du McGill français (images époustouflantes de Guy Borremans) ; ou encore constater l’émergence des nouvelles formes de gentrification qui bouleversent l’industrie immobilière. Une œuvre incontournable. — GL