Le grand silence
À l’instar du genre jubilatoire qu’elle désigne, l’expression « western spaghetti » n’a cessé de gagner en estime et en sympathie. Né au milieu des années 1960, le western à l’italienne est un univers à part entière, dont le langage de cinéma, le ton anarchisant et l’iconographie spectaculaire ont eu un impact considérable. Présenté en collaboration avec l’Institut culturel italien de Montréal, ce cycle réunit les incontournables des « trois Sergio » (Leone, Corbucci, Sollima) et une sélection diversifiée de films des principaux cinéastes de la période. De quoi saisir la richesse d’un genre dont la beauté stylistique n’a d’égale que la saleté de ses protagonistes, et qui a su être tour à tour irrévérencieux et lyrique, drôle et violent, bon-vivant et politique, sombre et lumineux. Les versions présentées ont été choisies en fonction d’éléments tels que la langue (tous ces films étaient doublés, il n’y a donc pas de version « originale » unique), l’entièreté du montage et les restaurations récentes.
Dans les montagnes de l’Utah, à la toute fin du XIXe siècle, des paysans poussés par la misère à enfreindre la loi se retrouvent poursuivis par des chasseurs de prime, menés par un chef redoutable. Une femme dont le mari a été tué par ce dernier fait appel à Silence, un mystérieux cavalier muet, pour se venger. Dans ce western italien sublimé par la musique d’Ennio Morricone, Sergio Corbucci (Django, Le mercernaire) éclate les conventions et repousse les limites de sa propre mise en scène : l’inoubliable face à face de deux monstres sacrés, une actrice afro-américaine en premier rôle féminin, des séquences minimalistes et un récit d’une noirceur implacable sur fond de paysages enneigés distinguent entre autres ce sommet du genre.
Sergio Corbucci
Né en 1926 à Rome, Sergio Corbucci travaille pendant un temps comme journaliste avant de devenir assistant réalisateur. Il débute sa carrière de cinéaste en 1951 avec un mélodrame, Salvate mia figlia, et œuvre au cours des années qui suivent dans tous les genres populaires en vogue, du film musical au péplum en passant par des comédies mettant en vedette Totò. En 1964, il réalise coup sur coup deux westerns, Massacre au grand canyon et Minnesota Clay, devenant aux côtés de Sergio Leone un pionnier du « western spaghetti ». Au sein de ce genre, Corbucci va faire de l’acteur Franco Nero une icône et va signer ses plus grandes réussites, qui se distinguent par leur noirceur et leur cruauté exacerbées, comme Django, Le grand silence ou Le mercenaire. Il réalise encore quelques westerns dans les années 1970, mais renoue surtout avec la comédie populaire, genre auquel il va essentiellement se consacrer pendant le reste de sa carrière.