CinémaLe « H.T. Project »
Le 10 mai 2007, pour souligner le départ à la retraite d’Hélène Tanguay, un groupe de quelques-uns de ses ami.e.s et collègues, sous le nom de « H.T. Project », lui a préparé, dans le plus grand secret, un hommage-surprise. Lors de l’événement en question, intitulé « 10 films pour Hélène Tanguay », 10 animateurs se sont succédé pour lui « offrir » chacun un court métrage, projeté sur l’écran de notre salle principale, en motivant leurs choix.
Fin connaisseur et observateur du milieu de l'animation, Emru Townsend, qui dirigeait alors le blogue fpsmagazine.com, avait publié le lendemain un papier touchant et inspiré, revenant sur les moments forts de cette soirée d’éclats de rire et d’émotion. Emru est décédé en 2008 des suites d’une leucémie. Nous remercions la sœur d’Emru, Tamu Townsend, pour l’autorisation de reproduire ce texte.
Hier, la communauté de l'animation montréalaise s'est réunie à la Cinémathèque québécoise pour rendre hommage à Hélène Tanguay de l'Office national du film du Canada. Trente-sept ans après avoir commencé à travailler à l'ONF – son premier et seul emploi –, elle prend sa retraite de son poste de directrice du marketing pour le Studio d'animation anglais, et une centaine de ses ami.e.s et collègues étaient présent.e.s pour lui souhaiter bonne continuation.
« Directrice du marketing » semble être un titre ennuyeux, dangereusement proche des « vestons-cravates » vilipendés par de nombreux artistes et fans d'animation. Hélène, cependant, n'est pas une cadre imbue de sa personne. Plus d'une fois, les termes « passionnée » et « dévouée » ont été utilisés pour décrire son amour pour le cinéma d’animation, et elle compte parmi ses ami.e.s de nombreux.ses artistes parmi les plus talentueux.ses. Ce n'est pas sa faute si d'autres directions du marketing ne sont pas à sa hauteur.
Je pense qu'Hélène est l'une de ces personnes pour lesquelles l'expression joie de vivre a été inventée. Elle est toujours souriante ou rieuse quand je la vois, tout comme les gens qui l'entourent. En 2004, le train que nous prenions vers le Festival international d'animation d'Ottawa est tombé en panne au milieu de nulle part. C'était une journée chaude et humide, et, sans air conditionné, nous avons rapidement commencé à cuire. Nous avons attendu pendant des heures avant qu'un autre train n'apparaisse pour nous amener jusqu'à la prochaine station et nous placer dans des bus – et Hélène n'a cessé de faire des blagues, malgré son inconfort évident. Lors des deux festivals suivants, elle a trouvé de nouvelles façons créatives de rire de cette anecdote.
Je mentionne ceci afin de souligner l’ambiance d’hier soir. Le conservateur du cinéma d’animation de la Cinémathèque, Marco de Blois, portait ce que j’appellerai des boucles d’oreilles à la Hélène, tout comme le cinéaste Chris Hinton, le producteur exécutif à l’ONF, David Verrall, et le réalisateur Jacques Drouin. Les présentations et les hommages étaient accompagnés de gloussements et de hurlements de rire franc. Il y avait beaucoup de tendresse dans l’air, et je soupçonne qu’Hélène a fait bon usage de la boîte de mouchoirs que Marco lui a fournie au tout début. Tout cela faisait partie de la première partie de la soirée, que Marco appelait « le H.T. Project », conçu par un cercle restreint de cinéastes et d’employé.e.s de l’ONF. Dix cinéastes ont pris la parole pour lui rendre hommage et expliquer le lien personnel qui se cachait derrière les films choisis et présenter ceux-ci à Hélène et à toute l’assistance.
Voici une liste des réalisateur.trice.s et des films sélectionnés :
- Michele Cournoyer – The Big Snit
- Cordell Barker – An Old Box
- Wendy Tilby et Amanda Forbis – Le hérisson dans le brouillard
(en version originale russe, accompagnée d’une narration de Martine Chartrand) - Jacques Drouin – La petite forêt
- Chris Hinton – Rabbit
- Marv Newland – Dinner for Two
- Martin Rose – My Financial Career
- Paul Driessen – Broken Down Film
- Stephen McCallum – Sledgehammer
Après la projection, nous nous sommes déplacé.e.s dans le hall pour faire quelques photos avec Hélène, puis au Café-Bar pour poursuivre la soirée, surprendre Hélène avec une troisième ovation debout, et discuter avec tous les gens présents. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, j’ai réfléchi au fait que ces personnes représentaient, pour moi du moins, vingt ans de relations : ami.e.s, camarades de classe, professeurs, ainsi que quelques mentors. J’ai assisté à plusieurs événements de ce genre, mais il est rare qu’ils aient eu autant de dynamisme, et les hommagé.e.s ont toujours été, sans exception, des cinéastes. Cela m’a rappelé quelque chose que Kino Kid [NDLR : Tamu Townsend, sœur d’Emru] a dit il y a deux ans : L’animation, c’est les gens. L’amour d’Hélène pour ce médium et pour ceux et celles qui en sont aussi passionné.e.s a été ressenti et partagé par toutes les personnes présentes. Bien qu’elle ait œuvré en coulisses tout au long de sa carrière, son influence a été inestimable.
Texte de Emru Townsend publié le 11 mai 2007.
Photo gracieuseté de Tamu Townsend | ©Sophie Quevillon
