Pour cette 15e édition dédiée au thème de la solidarité, Regards palestiniens présente une sélection de films qui traversent de multiples frontières, communautés et conflits, faisant apparaître la Palestine comme un élément essentiel d'une toile indivisible reliant les luttes raciales, politiques et écologiques. Le contexte palestinien offre l’opportunité de formuler de nouvelles alliances entre communautés opprimées à l’heure de l’austérité néolibérale et des politiques identitaires individualistes. Cette édition met en valeur la lutte contre le colonialisme de la Palestine à l’île de la Tortue: une lutte enracinée dans des liens permanents avec l’autre (humain comme non-humain), le territoire et le futur.
La première soirée rassemble deux films posant une question cruciale: quelles formes de solidarité sont possibles aujourd’hui? Le premier film, Resistance Why? (1971) du réalisateur libanais Christian Ghazi, a été récemment restauré par le collectif Nadi lekol el Nas. Comme 38 autres films du même réalisateur, ce film a été partiellement détruit en 1987 pendant la guerre civile libanaise, au fil de la dénommée “guerre des camps” (palestiniens). Le film ranime la vision politique fondamentale de la libération de la Palestine en tant que projet de solidarité internationale contre l’idéologie politique du sionisme, qui oppresse les Palestiniens mais aussi les Juifs. Quant au deuxième film, Congress of Idling Persons (2021) de Bassem Saad, il remet en question la possibilité même de luttes communes aujourd’hui, à l’heure où nos combats sont de plus en plus fragmentés par les politiques néolibérales d’austérité et les politiques identitaires individualistes.
La deuxième soirée réunit des films autochtones et palestiniens pour mettre en valeur notre lutte commune pour la défense du territoire à travers des actes du quotidien. Le docufiction tragi-comique de Jumana Manna, Foragers (2022), témoigne de la tentative du régime colonial de rompre les liens profonds entre les Palestiniens et leur terre. Des politiques d’écoblanchiment cherchent à vider le territoire de présence palestinienne et de pratiques ancestrales, sous prétexte de protéger la nature. Foragers de Jumana Manna, comme Kéwku (2017) de Sean Stiller, mettent en évidence les relations quotidiennes et réciproques qu’entretiennent dls peuples avec leurs territoires à travers la cueillette de plantes indigènes.
La troisième soirée rassemble quatre courts-métrages palestiniens et autochtones qui imaginent à nouveau le présent et contemplent de possibles rétro-futurs. Les tunnels qui brisent le siège de Gaza dans Gaza Death Tunnels (2013) de Mohamad Harb s'étendent sous terre pour parvenir à la société botanique post-apocalyptique conçue par Larissa Sansour dans In Vitro (2019). L'imaginaire futuriste des réclamations autochtones suite au désastre climatique dans Reclamation (2018) de TJ Cuthand et la reconstruction rétro-futuriste du récit de création des Haudenosaunee dans She Falls for Ages de Skawennati (2016) contextualisent nos luttes dans des temps immémoriaux, et nous rappelant que les relations que nous entretenons avec le temps et la terre nous ont toujours aidé à survivre un avenir colonial européen de “fin du monde”.