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ProgramACPAV - 50 ans

Bernard Émond
September 10th, 2021
ACPAV - 50 ans

Pour souligner les 50 ans de l’Association coopérative de productions audio-visuelles (ACPAV) , nous présentons plusieurs longs métrages et un programme de courts afin de mesurer la place exceptionnelle occupée par cette organisation au sein de la cinématographie québécoise. Le réalisateur Bernard Émond viendra présenter les deux films projetés mardi 14 septembre, Le party et La sarrasine. Voici deux textes de sa plume sur ces deux films.

Le party

Pierre Falardeau avait coutume de dire qu’il n’avait pas d’imagination. Pour Le party, il s’est inspiré de faits réels vécus en prison par son ami Francis Simard. Il en résulte un film porté par une extraordinaire galerie de personnages plus vrais que vrais, mais aussi un film d’une formidable intensité dramatique et d’une grande richesse thématique. À quoi bon imaginer quand le réel est si éloquent? C’est le réel, peut-être, mais vu à travers le regard et le travail rigoureux d’un cinéaste attentif, véritablement attentif au monde et à ses acteurs, d’un cinéaste qui veut dire quelque chose du monde, et qui veut agir sur lui.

Les films de Pierre Falardeau, quelle que soit leur forme, documentaires, drames, comédies, tragédies, pamphlets, tous ses films sont un long cri de revendication pour la liberté, la justice, l’indépendance. Cri d’alarme, de détresse, de colère. D’une certaine manière, ses trois grands longs métrages, Le party, Octobre et 15 février 1839 sont un seul et même film de protestation. La métaphore de l’enfermement en est le centre absolu. L’enfermement, c’est-à-dire le contraire de la liberté et de l’indépendance. Mais il en va ainsi de tous ses films et on peut aussi voir les Elvis Gratton comme une charge contre l’enfermement dans la bêtise, dans la servitude et la dépendance. Le party, film de prison, film d’enfermement, est un grand film sur la liberté, et la scène où Lou Babin, chante Le cœur est un oiseau est un des moments les plus forts de tout le cinéma québécois.

La sarrasine

Il faut voir ce film pour la précision de sa mise en scène, la beauté des cadres et de la lumière, la qualité des acteurs principaux comme des seconds rôles, le chant des langues entremêlées et la splendeur de la musique de Pierre Desrochers. Il y a là une leçon de cinéma : Paul Tana a bien vu que la contrainte d’un tournage d’époque avec des moyens limités obligeait à un resserrement, à une concision de la mise en scène, à une concentration du jeu. On ne peut pas tout montrer et c’est tant mieux : il faut faire juste, dans les deux sens du mot. Tana y parvient admirablement et quelques unes de ses scènes à deux personnages sont des morceaux d’anthologie. Le travail de direction d’acteurs est remarquable et Enrica Maria Modugno et Tony Nardi sont formidables d’émotion et de retenue. Et c’est un plaisir de revoir Jean Lapointe et Johanne Marie Tremblay, discrets, puissants, charnels.

Une des grandes qualités du film réside dans le fait qu’on sent fortement la vie des premiers Italiens de Montréal, autant que la vie canadienne-française de l’époque. C’est un film qui goûte. Et puis, en nos temps obsédés par la figure de la victime, c’est un film sur l’immigration sans coupables, ou alors un film où les culpabilités s’annulent, et qui laisse la part belle à la fraternité. Au bout du compte, il y a la fatalité refusée et cette femme forte et belle qui se tient debout dans l’hiver d’un pays qu’elle aura fait sien.