Léa Roback et Madeleine Parent sont des figures marquantes de l’histoire du Québec, auxquelles la cinéaste Sophie Bissonnette a consacré deux documentaires phares : Des lumières dans la grande noirceur et Madeleine Parent, tisserande de solidarités. Suite au montage de ces films, les entretiens avec ces pionnières du féminisme et du syndicalisme sont restés en grande partie inédits.
Ces documents d’archives sont désormais accessibles dans ce dossier thématique qui réunit une douzaine d’heures d’extraits vidéo organisés par thème et accompagnés de textes explicatifs rédigés par deux historiennes de renom. Au fil des témoignages, se révèle l’histoire méconnue des luttes menées par les femmes des années 1930 à 2000, qu’il s’agisse des ouvrières du vêtement et du textile, des femmes autochtones et immigrées, ou de toutes celles qui se sont battues pour un salaire équitable et le droit à l’avortement. Ce dossier espère vous faire découvrir la vie et les accomplissements de deux femmes d’exception, qui ont inspiré des générations pour un monde plus juste et égalitaire.
Élisabeth Meunier, Directrice de la préservation et du développement des collections.
Depuis les dernières années, la Cinémathèque québécoise tient à valoriser l’apport du cinéma féministe indépendant au Québec, notamment en restaurant et en valorisant les œuvres de réalisatrices. Le premier dossier thématique consacré à Sophie Bissonnette, intitulé Au cœur de la mouvance féministe, les films de Sophie Bissonnette, s’inscrit précisément dans cette mouvance, en donnant accès à tous les films d’auteure de cette pionnière du cinéma documentaire indépendant. Cette fois-ci, grâce au dossier Pionnières du féminisme et du syndicalisme : Léa Roback et Madeleine Parent, notre regard se tourne plutôt vers deux femmes illustres à qui la réalisatrice a consacré deux films. En s’appuyant sur des chutes de tournage conservées dans nos collections, ce dossier permet non seulement de souligner l’importance de ces femmes dans l’histoire du Québec, mais aussi de réitérer la contribution majeure du travail de Sophie Bissonnette dans la préservation et la transmission de l’histoire des luttes féministes.
En effet, ce projet de « recréation », à partir d’archives, s’inscrit dans la continuité de la démarche artistique de Sophie Bissonnette et atteste de son désir de revisiter les récits dominants et de visibiliser les femmes, en particulier celles qui sont marginalisées. Cette volonté est présente dès le début de sa carrière, à la fin des années 1970, où elle est confrontée aux « images manquantes » de notre histoire : images d’archives inexistantes sur les femmes, points de vue occultés ou biaisés, voire mensongers, sur leur contribution, récits où elles sont reléguées au rôle de victimes… Depuis 40 ans, elle consacre la majeure partie de son œuvre cinématographique en documentaire afin de mettre en valeur la contribution des femmes à la société et à l’histoire du Québec.
Dans le cadre de ce dossier Pionnières du féminisme et du syndicalisme : Léa Roback et Madeleine Parent, la cinéaste a sélectionné des originaux de tournage comprenant des extraits d’entrevues qu’elle a menées pour les films documentaires Des lumières dans la grande noirceur (1991) et Madeleine Parent, tisserande de solidarités (2002), mais qui n’ont pas été retenus lors du montage final. Considérant le contenu historique et les témoignages inestimables consignés sur ces chutes, elles ont été numérisées, montées et contextualisées par des historiennes afin de mettre en valeur de larges pans d’une histoire méconnue au Québec. Car, bien que Léa Roback et Madeleine Parent soient des figures marquantes, la place centrale qu’elles ont occupée comme militantes féministes et syndicalistes est encore peu diffusée. Pour y remédier, ce sont près de 12 heures d’extraits d’entrevue inédits, d’une durée de 3 à 31 minutes chacun, qui sont disponibles pour visionnement. Ils sont présentés de façon chronologique et thématique, puis accompagnés de textes rédigés par les historiennes Denyse Baillargeon et Andrée Lévesque. Ces extraits présentés tels quels, in extenso, en tant que matière brute, donc sans montage, sont à la fois révélateurs de la façon de penser et de la personnalité de chacune des deux militantes, mais aussi du processus de tournage du documentaire. En complément, des références bibliographiques viennent bonifier le dossier. Enfin, pour obtenir une vue d’ensemble de la vie de ces deux militantes, nous vous suggérons de visionner Des lumières dans la grande noirceur et Madeleine Parent, tisserande de solidarités.
En espérant que ces témoignages et ces textes vous inspireront et seront porteurs de réflexions, nous vous souhaitons une agréable visite à travers ce riche dossier!
J’ai eu le grand privilège de rencontrer et de connaitre Léa Roback et Madeleine Parent, ces femmes remarquables et « dangereuses », qui ont fait preuve de courage et d’audace en s’engageant auprès des plus exploité.e.s et en portant la parole et l’action des femmes à une époque où elles sont méprisées et effacées de l’Histoire.
Si je me réjouis du fait que mes films aient pu contribuer à faire connaitre ces femmes dont l’action a marqué l’histoire du Québec, j’ai toujours conservé un pincement au cœur sachant qu’il avait fallu couper au montage tant d’informations et d’histoires d’un grand intérêt. En effet, j’ai tourné des dizaines heures d’entrevue avec Léa et Madeleine dont une partie seulement se retrouve dans les films finis. Une déception d’autant plus grande que j’ai été, si souvent confrontée dans mes propres films à l’absence d’archives, d’images et de paroles de femmes pour raconter leur histoire. En tant que documentariste on devient souvent les dépositaires de pans d’histoire inédits et d’une grande valeur, il était impensable pour moi que ces archives tombent dans l’oubli.
C’est donc ainsi motivée que j’ai eu le plaisir de renouveler pour ce dossier une collaboration avec la Cinémathèque québécoise, le Réseau québécois en études féministes, et les historiennes Denyse Baillargeon et André Lévesque. Les boites de bobines 16mm et de cassettes Bétacam, conservées depuis des décennies, ont ainsi été retirées des voûtes de la Cinémathèque afin d’être numérisées. J’ai ensuite procédé au montage de larges extraits des entrevues tournées avec Léa Roback et Madeleine Parent.
La genèse de chacun des films est fort différente. Des lumières dans la grande noirceur est un film personnel dans lequel je souhaitais réécrire, dans une perspective moderniste et féministe, l’histoire des femmes du début du XXème siècle au Québec. Lorsque j’ai rencontré pour la première fois Léa Roback, alors âgée de 85 ans, j’ai tout de suite eu un coup de cœur pour cette femme engagée et pleine d’esprit que rien n’ébranlait. Léa se racontait de façon très spontanée, c’était un feu roulant qui enchainait les histoires toutes plus instructives et désopilantes les unes que les autres, dans une logique qui lui appartenait.
J’ai ainsi tourné avec mon équipe, Martin Leclerc et Serge Giguère à la caméra 16mm et Marie-France Delagrave au son environ 6 heures d’entrevue avec Léa entre septembre et décembre 1989. À la suite d’un an de montage avec Dominique Sicotte pour tricoter en parallèle le parcours de Léa et celui des ouvrières de la 1ère moitié du siècle, il est resté dans les boites des petites bobines de pellicule et de ruban magnétique non utilisées dans le film fini : Des thématiques insuffisamment développées, d’autres qui élargissaient trop ou ralentissaient la structure dramatique, d’autres encore difficiles à intégrer dans la construction du film par blocs thématiques. Le travail de documentariste au montage est effectivement une série de deuils à mesure que le film prend forme.
La genèse de Madeleine Parent, tisserande de solidarités est tout autre. Dix ans après la sortie du film sur Léa, j’ai été invitée par une collègue, Judith Murray, à réaliser des entrevues avec Madeleine Parent alors âgée de 81 ans, dans le but de constituer une archive. Judith avait été en contact avec Madeleine qui souhaitait se raconter. Elle se sentait en confiance avec Judith, Martin Duckworth à la caméra, et moi-même. Elle avait choisi quels évènements de son parcours elle voulait consigner à l’histoire, se préparant minutieusement pour les entrevues avec des fiches de notes mentionnant les évènements, les dates précises et les personnes impliquées. Les questions de Judith et les miennes devaient assurer qu’on couvre la matière ainsi sélectionnée, même si, poussées par notre curiosité, nous avons débordé de ce rôle à l’occasion.
Je suis arrivée à ma première rencontre avec Madeleine, plutôt intimidée par cette femme qui a tenu tête à des compagnies multinationales, à des premiers ministres (et non le moindre « le chef » au Québec!) ainsi qu’aux polices provinciales du Québec et de l’Ontario; une femme qui n’a pas craint la prison pour défendre les ouvrier.ères qu’elle représentait; une visionnaire qui a fondé une centrale syndicale, dirigé des luttes syndicales victorieuses et contribué à l’avancement des femmes. Ouf! Madeleine m’a accueillie avec un large sourire et une grande douceur, et elle s’est généreusement racontée. Toutes mes craintes se sont dissoutes, ma gêne s’est transformée en admiration alors que je devenais pour ces 4 après-midis de tournage chez elle une témoin privilégiée de son histoire de vie.
C’est ainsi que nous avons tourné, en aout et septembre 1999, 22 cassettes vidéo Bétacam SP pour une douzaine d’heures d’entrevue. Un an plus tard, Monique Simard, alors productrice aux Productions Virage, et une amie et voisine de Madeleine, a obtenu un financement pour faire un film de 45 min à partir du matériel tourné. Compte tenu des contraintes de durée, il a été décidé avec Madeleine de mettre l’accent sur son travail au Québec de 1937 à 1952 en tant qu’organisatrice syndicale dans le Textile, notamment les grèves épiques à Dominion Textile et son procès pour conspiration séditieuse. À regret, nous avons ainsi laissé en plan de grands pans de son histoire: son rôle en tant que co-fondatrice de la Confédération des syndicats canadiens, les luttes importantes menées avec des femmes immigrées et racisées en Ontario, son influence dans la création d’un organisme féministe autonome au Canada et pour l’avancement des revendications spécifiques aux femmes en milieu de travail ainsi que son rôle de soutien aux luttes des femmes autochtones dès le début des années 1970.
Avant de numériser le matériel des entrevues, j’ai procédé à une sélection des bobines, en particulier pour les tournages avec Léa en 16mm double système (image et son sur supports séparés), compte tenu des couts élevés de numérisation dans ce cas. Avec la collaboration de l’historienne Denyse Baillargeon et grâce aux transcriptions de l’époque, j’ai retenu les extraits qui avaient, selon nous, une valeur historique et dont le sujet avait été peu abordé dans d’autres entrevues accordées par Léa. J’avais aussi interviewé Madeleine pour le film avec Léa, et j’ai donc retenu des extraits de ce tournage pour compléter les entrevues avec Madeleine plus tard. Dans le cas des entrevues avec Madeleine Parent, tournées en vidéo SD sur cassettes Bétacam SP, toutes les cassettes des entrevues ont été numérisées, et j’ai validé avec l’historienne Andrée Lévesque les sections retenues en cours de montage. J’ai également ajouté à la sélection une rencontre entre Françoise David et Madeleine Parent en octobre 2000, un tournage prévu spécifiquement pour le film fini sur Madeleine.
Les bobines et les cassettes ainsi sélectionnées ont ensuite été numérisées en haute définition à différents laboratoires (Office national du film du Canada, MELS à Montréal et VTape à Toronto). Et il a fallu laborieusement refaire la synchro « à la mitaine » de plusieurs plans du matériel tourné en film.
Au montage, j’ai regroupé les extraits par thème et en fonction de la chronologie. J’ai privilégié une approche transparente qui met en évidence la matière brute et le processus de tournage : j’ai conservé au montage les claquettes de synchro, les questions de la réalisatrice, les commentaires de l’équipe de tournage, les fins de cassettes ou de bobines, le son seul quand la caméra 16mm ne tourne pas ou les images 16mm absentes parce qu’elles sont intégrées au film fini. En visionnant ces extraits, préparez-vous donc à participer à l’expérience d’un tournage documentaire ! Vous verrez la lumière du jour tomber pendant une entrevue avec Madeleine Parent et l’ombre des feuilles d’un arbre danser sur le mur derrière elle. Vous entendrez le vent siffler dans la fenêtre chez Léa Roback au milieu d’une entrevue. Leurs prestations seront interrompues par la fin d’une bobine (d’une durée de 10 minutes environ en 16 mm) ou d’une cassette (30 min en Bétacam), ou alors par un quidam qui sonne à la porte d’entrée ou encore par la voix du preneur de son, contrarié, qui annonce que la batterie de son enregistreuse est en train de flancher. Vous entendrez aussi une réalisatrice (qui n’avait pas prévu que ses questions seraient un jour diffusées) s’empêtrer dans sa question et bafouiller…
Les travaux de post-production ont été effectués dans le même esprit. Ainsi, en colorisation et au mixage, nous n’avons pas cherché à gommer les aléas d’un tournage, l’éclairage naturel qui change au cours d’une entrevue avec le jeu du soleil et des nuages, les éléments extérieurs qui affectent la prise de son (le trafic, un avion, le vent…) ou la fatigue qui s’installe dans la voix. Nous avons toutefois choisi d’intervenir légèrement pour assurer une certaine clarté et cohérence dans l’expérience de visionnement. Ainsi, au mixage, nous avons ajusté les volumes et égalisé les voix pour que le propos soit plus compréhensible et agréable à écouter, et nous avons amoindri certains éléments perturbateurs (toux, bruits de chaise, etc.). En colorisation, nous avons naturalisé l’image pour respecter les couleurs d’origine et l’intention du tournage suite aux transformations inévitables occasionnées par la numérisation (de l’analogue au digital pour le 16mm, du SD au HD pour la vidéo), et par les différentes compressions.
La réalisation de ce dossier m’a permis de renouer avec ce qui m’avait initialement attirée chez Léa et Madeleine, je souhaite que ce dossier vous informe et vous inspire tout autant.
Denyse Baillargeon, spécialiste de l’histoire des femmes et professeure émérite du département d’histoire de l’Université de Montréal.
Andrée Lévesque, professeure émérite du département d’histoire de l’Université McGill.
L’histoire ne peut s’écrire sans documents pour l’alimenter, pour lui fournir un contenu à partir duquel il devient possible d’élaborer un récit et de développer une interprétation des événements. Or, il fut un temps où les sources qui se retrouvaient dans les fonds d’archives ou qui étaient considérées comme dignes d’intérêt mettaient surtout en évidence les activités qui s’étaient déroulées dans l’espace public, notamment les échanges économiques ou les débats politiques, et dont les femmes avaient été pratiquement exclues. De sorte que l’histoire qui s’écrivait était presque entièrement focalisée sur les réalisations des hommes, comme si eux seuls avaient fait et refait le monde. Pourtant, comme en témoigne ce dossier qui vise à préserver la mémoire de deux figures féminines d’envergure, des femmes ont joué un rôle fondamental dans l’histoire, au Québec comme ailleurs.
Comment mettre en lumière la contribution des femmes à leur société ? À partir de quelles sources? Ces questions s’imposent de manière urgente aux historiennes qui, vers la fin des années 1960, commencent à défricher le vaste champ de l’histoire des femmes. Le mouvement féministe alors en pleine résurgence, préoccupé par les origines du patriarcat et de l’oppression des femmes, suscite en effet un grand intérêt pour la place et le rôle qu’elles ont joué dans les sociétés passées. Les premières historiennes féministes intéressées par ces questions constatent toutefois rapidement que les fonds d’archives traditionnels, ceux conservés dans les institutions « officielles », concernent plus volontiers les réalisations masculines et ne recèlent donc pas tant de données susceptibles de les aider. Pire encore : elles découvrent que le manque de considération sociale envers les femmes et leurs actions avait parfois conduit à la destruction pure et simple des documents qu’elles, ou leurs organisations, avaient produits.
L’enjeu des sources apparaît donc rapidement comme l’un des principaux défis auquel les historiennes des femmes doivent faire face. En plus de revoir les documents «officiels» disponibles à la lumière des nouvelles questions qu’elles se posent, en espérant en tirer des éléments de réponse inédits, elles se lancent également à la recherche d’écrits féminins et féministes jusque-là ignorés (correspondance, journaux intimes, autobiographies, pétitions, archives associatives, etc.) tout comme elles élèvent au rang de sources tout élément pouvant témoigner de la vie des femmes du passé, comme les catalogues des grands magasins ou autres vestiges de la vie quotidienne où elles ont été longtemps reléguées.
Parmi les stratégies déployées pour documenter certains aspects de l’expérience historique au féminin, l’histoire orale, ou plus exactement le recours à des entrevues, apparaît comme l’une des plus fructueuses. Malgré les limites liées au fonctionnement de la mémoire, qui peut confondre les dates ou télescoper les événements, les sources orales s’avèrent d’autant plus précieuses qu’elles sont souvent les seules à donner accès à certaines informations. En ce sens, on peut dire que toute entrevue qui permet de mieux connaître les aspirations, les actions ou les luttes des femmes contribue à enrichir la somme de connaissances dont nous disposons à leur sujet et représente donc un apport important pour écrire leur histoire. Les films documentaires de Sophie Bissonnette portant sur Léa Roback et Madeleine Parent où ces deux militantes prennent la parole pour expliquer leur parcours, tout comme les extraits inédits de ces entrevues contenus dans le présent dossier, s’inscrivent précisément dans ce mouvement de constitution d’archives de femmes pour mieux préserver leur mémoire.
Léa Roback (1903-2000) et Madeleine Parent (1918-2012). Deux femmes exceptionnelles aux destins croisés qui ont marqué les grands mouvements sociaux du Québec au 20e siècle : le syndicalisme, le féminisme et le pacifisme. Dans ces entrevues réalisées en 1990 et 2000, chacune à sa manière raconte l’histoire de son époque et des luttes qui l'ont marquée.
Léa était la mentore de Madeleine. La jeune étudiante rencontre Léa, de quinze ans son aînée, en 1939, lors d’une réunion de la Ligue des droits civils (Civil Liberties Union) à l’Université McGill. Madeleine est inspirée par le travail de la militante syndicale auprès des travailleuses de l’industrie du vêtement pour dames et décide de marcher dans ses pas. On connaît la suite. Comme Léa, Madeleine devient organisatrice syndicale à une époque où le mouvement syndical est dominé par des hommes. Toutes deux militeront pour l’amélioration des conditions de travail des femmes, Léa à Montréal, Madeleine à Montréal, puis à Valleyfield et à Lachute avant de poursuivre ses combats en Ontario. Elles ont combattu l'exploitation des ouvrières en temps de guerre, elles ont connu le maccarthysme nord-américain et l’anticommunisme qui frappait tous les groupes de gauche, elles ont fait l'objet de perquisitions sous la Loi contre la propagande communiste, dite « Loi du cadenas », et sous la Loi sur les mesures de guerre en 1970. Elles ont aussi subi toutes les difficultés et les vexations auxquelles s'exposaient des femmes dans un milieu syndical largement masculin et elles ont tracé la voie à celles qui les suivraient dans la défense et le respect des droits des travailleuses.
Sensible à l’antisémitisme et au racisme, Léa a participé aux mouvements antiracistes de son époque, dénonçant le racisme contre les Noirs.es et l’apartheid en Afrique du Sud, et appuyant les revendications des femmes immigrantes. Madeleine a privilégié l’organisation syndicale des travailleuses immigrantes dans les grèves qu’elle a menées en Ontario. Elle a aussi défendu les droits des femmes autochtones, en particulier ceux des femmes mariées avec un non-autochtone, lorsqu’elle siégeait au conseil du Comité canadien d’action sur le statut de la femme, à Ottawa.
Pionnières du mouvement féministe, sensibilisées aux problèmes spécifiques aux travailleuses, Léa et Madeleine font partie de tous les combats : pour l’accès à l’avortement, pour l'équité salariale, contre le harcèlement et la violence faite aux femmes et contre la pauvreté des femmes. La Guerre froide a ravivé le mouvement pacifiste : toutes deux adhèrent dès ses débuts à la Voix des femmes et manifestent contre la guerre, le militarisme et l'impérialisme.
Léa et Madeleine ne cachent pas les défaites qu’elles ont subies, les trahisons et les déceptions, mais elles persistent à tirer des leçons de leurs insuccès et refusent toujours d’abdiquer. Femmes d’action, elles ont fait changer les choses : elles ont contribué à améliorer la condition des travailleuses, leur salaire et leur milieu de travail. Chacune à sa façon a été une précurseure de la Révolution tranquille des années 1960. Elles sont de celles qui ont favorisé des changements législatifs pour la décriminalisation de l’avortement et pour l’équité salariale, contre la discrimination basée sur la race et sur l’ethnicité. Grâce à ces vidéos, près de 12 heures d’entrevues inédites, nous avons accès à leurs témoignages inestimables où elles nous livrent dans leur propre voix les luttes militantes qu’elles ont menées pendant un demi-siècle.