Jean Décarie (alias Neam Cathod) a joué un rôle important dans le développement de PRIM dans les années 1980 notamment à titre de directeur technique de l’organisation. Durant cette période, il composa de nombreuses musiques pour les vidéogrammes de plusieurs de ses collègues – François Girard, Martin L’Abbé, Istvan Kantor alias Monty Cantsin, pour ne nommer qu’eux – en plus d’effectuer le montage ou la conception sonore de certaines de leurs œuvres. Né en 1954, il est un important vidéaste et compositeur, technicien vidéo et monteur. Dès avant la fin de ses études en musique à l’Université de Montréal, d’abord au premier cycle pour ensuite compléter une maîtrise en composition électroacoustique, il entreprend la réalisation de plusieurs vidéogrammes. Quiconque regarde l’ensemble des productions de Décarie et du Département d’entrainement à l’insanité (D.E.I.), un collectif qu’il a fondé, verra non seulement ce qu’il doit à la performance, mais en quoi la musique et l’idée de bruit contribuent à la puissance de leurs vidéos.
Affiche d’un spectacle de vidéo musique et performance de DEI, 1987.
Fonds Jean Décarie (alias Neam Cathod), Cinémathèque québécoise, 2014.0230.AF.
Jean Décarie contribue à la création de Couleurs, une des rares installations de François Girard en faisant « la conception du montage vidéo automatique assisté par “rythm box” (percussions électroniques) », qui deviendra son Hallucinoscope1. Selon Décarie, « le travail pour Couleurs s’est échelonné de 1986, création de l’Hallucinoscope »2, à la première de l’installation en janvier 1988. Durant la période comprise entre ces deux dates, il vaque à la conception et à la composition de l’hypermontage à 4 voix grâce à cet appareil.
Le Rolland TR-808 (à l’avant gauche de l’image) offre 9 instruments de percussion ; grosse caisse, caisse claire, claves, cymbales, etc. La programmation s’effectue par 16 interrupteurs (on/off) qui représentent 16 pas, croches ou doubles croches, qui dépendent du choix préalable du nombre de mesures désirées et de la signature (4/4, 3/4, 6/8, etc.) sélectionnée Les sorties de déclenchement (trigger) de chacun des 9 instruments sur le circuit imprimé du TR-808 sont utilisés pour ce faire. Pour chaque instrument le rythme est programmé séparément, ce qui permet des séquences rythmiques complexes. Il a fallu créer une boîte composée de relais (switches) (la boite noire devant à droite) et adapter le voltage de chaque instrument pour satisfaire les exigences de chaque sélecteur de source du mélangeur vidéo SONY SEG2000. Cette boîte constitue l’interface entre le TR-808 et le SEG2000. Chaque relais adapté en voltage est connecté aux 7 sélecteurs de sources ainsi qu’à la sortie programme et au sélecteur de l’incrusteur de sortie (downstream key) situé en post-effet, dernière étape avant la sortie du mélangeur.
Blind Light (1982) avait été monté avec l’éditomètre du Vidéographe, mais cet appareil ne le satisfait pas pour la création de vidéos musicales. Pour trouver une solution technique, Décarie devait surmonter quelques problèmes. La base de temps en vidéo est de 30 cadres par seconde, tandis qu’en musique on peut diviser le temps jusqu’à créer un son continu. L’adaptation du montage visuel à la composition musicale devait passer par l’organisation rythmique des plans. Décarie explique :
« Je voulais rythmer les plans, non comme au cinéma, mais comme en musique. Je voulais, aussi, travailler la perception visuelle en transposant les silences, l’enveloppe des coupes, le timbre des plans (luminance et chrominance) et jouer avec le sens par le couplage de plans. L’effet Koulechov est extrêmement efficace puisque l’écran de projection est la rétine de chaque spectateur. La technique de l’Hallucinoscope est analogique. Les œuvres créées par Hallucinoscope sont spécifiquement analogiques. La projection rétinienne fait partie du système de projection de l’Hallucinoscope3. »
Danlkû
Danlkû, Département d’entrainement à l’insanité (D.E.I.), 1989, 10 min.
Titre alternatif : Danlkû 2
- Cette vidéo comporte des images pouvant offenser certaines personnes, nous préférons vous en avertir.
L’Hallucinoscope lui permettra de réaliser l’une des œuvres les plus importantes de la vidéographie québécoise, Danlkû. Comme Nam June Paik à maints égards, Neam Cathod utilise des images trouvées provenant de la télévision et de la culture populaire. La technique du collage est poussée à l’extrême avec Danlkû par la juxtaposition extrêmement rapide des images qui relèvent de six catégories : une vidéo domestique (des enfants qui jouent), un vieux film porno, Donald Duck, des images d’actualités télévisées sur l’Afrique du Sud au temps des répressions sanglantes de l’apartheid, un prêtre catholique disant la messe, un lézard, batracien évoquant une ère préhistorique et primitive. Ces séquences et images médiatiques choisies se heurtent et s’entrechoquent. Christine Ross souligne que ce vidéogramme présente « une esthétique d’entrechoc, du grinçage sonore, d’addition, d’agression et la contamination des images, qui ne cesse de déplacer les limites de l’obscène et de l’excès4. »
Ce vidéogramme faisait partie, à l’origine, d’une performance-installation intitulée aussi Danlkû que D. E. I. fut invité à réaliser et à présenter à la fondation DANAE (Diffusion, Attitudes nouvelles, Arts et Espaces) à Pouilly en l’Oise, en France, du 24 juin au 14 juillet 1989.
« L’installation, un « autel automatique », avait un aspect païen, vaguement vodou (sic), un lieu symbolique de réflexion. Cette œuvre questionne la quête de « l’humain sur cette terre » vers une stabilité par le biais de l’acte de conservation-évacuation. Est inclut aussi un aspect critique de la manipulation de l’information par les médias électroniques, réponse à la télévision et son langoureux massage perceptuel… 5 »
Une autre description est encore plus concrète et nous permet de visualiser comment se présentait cette performance-installation.
« Imbriqué (sic) dans cet autel automatique : 3 moniteurs qui par leur emplacement forment un triangle. 1 en haut et 2 en bas forment la base. Le moniteur du haut, plus grand que les 2 autres, diffuse un vidéogramme en noir et blanc à l’aspect expressioniste (sic) qui illustre à travers une métaphore très large, la pensée chevaleresque et la folie « positive » de D.E.I.T. En bas les 2 moniteurs sont imbriqués dans l’œuvre dont la base est de terre. Les écrans de ces moniteurs sont recouverts de carton noir avec une mince ouverture rectangulaire (style « peep show »). Il est donc pratiquement nécessaire de s’agenouiller sur un prie-Dieu installé par terre pour visionner le 2e vidéogramme qui est, lui, en couleur et projète (sic) des images hyper-saccadées6. »
Il s’agit là d’une installation complexe et il faut bien comprendre que la bande vidéo souvent diffusée de manière autonome intitulée Danlkû7 est l’une des composantes vidéographiques de cette installation. L’autre vidéo en noir et blanc et pratiquement jamais montré hors de l’installation montre une sorte de messe noire amusante qui « discoure sur la conservation ; le divin-la-lumière » précise un document descriptif. Plus loin on écrit aussi que la musique est basée sur un « rythme de transe » et qu’elle est similaire à toutes les utilisations que D.E.I. fait des médias électroniques en alternant entre deux fonctions : « massage-massue ». Cette musique vise à masser le spectateur, mais la présence de hautes fréquences momentanées et revenant à intervalle régulier vient désarçonner celui-ci en injectant un déséquilibre et du bruit strident dans la quiétude qui, autrement, pourrait s’installer. Enfin, il semble que l’installation se composant de ces vidéos et d’objets trouvés se présentait comme un rite païen, lieu de recueillement intégrant le « choc » par le « bombardement sensoriel et informatif » proposé.
Un document présentant le D. E. I. et sa philosophie8 nous le rend dans la mouvance du Néoïsm et de Monty Cantsin ; la dérision est au fondement de sa philosophie, à la fois absurde, parodique et pleine d’une ironie féroce. Document littéraire et manifeste narquois, il expose la position esthético-politique et l’historique de ce groupe fondé soi-disant en « 1904 », donc 80 ans avant 1984, avec sa généalogie qui comprend George Maciunas et Fluxus. Ce texte exprime aussi ce qui est à la base de l’esthétique vidéographique propre à Jean Décarie (Neam Cathod) :
« La lumière pulsée et le cri sont les structures fondamentales de ces entrainements son-lumière. La lumière est Éternité et le cri est la manifestation de la conquête du temps. La musique est parole muette9. »
Blind Light
Blind Light, Jean Décarie (alias Neam Cathod), 1982, 25 min. 40 sec.
Dans Blind Light, nous comprenons peu à peu que l’artiste s’en prend à la télévision, jusqu’à attaquer le téléviseur à coup de barre de fer. Détruire le téléviseur n’a rien d’inusité, mais les images qui précèdent cette destruction nous ont conditionnés par une esthétique de la lassitude et de l’agacement. Dès le début, Neam Cathod assis face à nous regarde le téléviseur établissant une situation mimétique ; il nous regarde comme nous le regardons. À intervalles réguliers, il se lève et tourne bruyamment le bouton de ce qu’on reconnaît par le son être un vieux téléviseur. Alors commence la superposition de couches de sons et d’images provenant d’autant de canaux. Le son s’impose de plus en plus par accumulation, des sons et les images s’entrechoquent pour générer des interférences et des associations aléatoires créatrices de bruit, lequel produit une violence médiatisée par la surcharge de l’information. Cette esthétique de l’agrégation et de la répétition relève de la performativité vidéographique et fait partie de la panoplie des procédés de composition électroacoustique qui trouvent leur pleine maîtrise avec Danlkû.
De 1976 à 1986, période pendant laquelle il étudie l’électroacoustique à l’Université de Montréal, il fait beaucoup de recherche en studio, explique-t-il10. Blind Light ainsi que Stroboscopique Drama et plusieurs pièces musicales comme LOBO qui a servi de trame sonore pour Danlkû sont tous de cette période. Dans le cadre de sa maîtrise et de son projet de création intitulé CITÉ, dont on trouve une mention dans le générique de He Was Alive Now Is Dead, Décarie a une approche théorique faisant appel à la théorie des systèmes de Bertalanffi pour l’étude de la perception de l’image et du son et il affirme11 avoir été marqué par ses cours en psychoacoustique. Le projet CITÉ était une performance avec projections et sons immersifs; la thématique en était la « dislocation sociale causée par les technologies médiatiques et surtout par la densité et l’amplification informationnelle12 ». Le projet était divisé en trois parties : le passé avec Antiqua 78rpm; le présent avec He was alive Now he’s dead; et le futur avec Cité Futura.
Stroboscopique Drama
Stroboscopique Drama de Jean Décarie (alias Neam Cathod), 1983, 31 min.
Scénario : Tore Tungstène et Neam Cathod
Caméra : Neam Cathod
Musique : B.I.T. 1
Production : Neam Cathod
Stroboscopique Drama fait voir ce que j’appelle la performativité de la vidéo. Non plus performance pour la vidéo, mais performance de la technologie. Ce vidéogramme fait partie de ses recherches pratiques en studio comme Blind Light. Elle fut produite alors qu’il était encore étudiant en composition électroacoustique à l’Université de Montréal et resta pratiquement inédite jusqu’à ce jour13. Pourtant elle présente de nombreuses qualités qui en font un exemple parfait de cette performativité vidéographique si proche également de procédures de composition en musique électroacoustique ou électronique. L’un de ces procédés étant la répétition d’une même séquence : des personnes bougent ou dansent devant la caméra, ils sont éclairés par un stroboscope. Nous nous rendons compte bientôt qu’elles assistent à une performance alors qu’un personnage nu passe devant eux et qu’un autre joue avec ses orteils. Ça semble anodin et sans grand intérêt et la séquence se termine par un plan montrant un écran de télévision faisant voir la performance en rétroaction. Contrastant avec ces actions, la musique reste obsédante. Puis, tout recommence, la même séquence, encore et encore, mais chaque fois l’image étant un peu plus dégradée par un processus de re-filmage de l’écran du moniteur. Cette accumulation et cette répétition s’accompagnent de la dégradation progressive de l’image, elle devient de plus en plus contrastée créant un sentiment d’enfermement et de dérision appuyé par la musique. À la fin, alors que nous revoyons la même séquence, les blancs sont colorisés augmentant l’artificialité de cette image de surface qu’est celle de la vidéo. Ce n’est pas tant la séquence ni les actions qui captent l’attention, mais la répétition qui forme une ritournelle avec les infimes dégradations que subit l’image. La performativité est celle de la détérioration du signal donc de l’image. L’idée de la déchéance, de la pourriture de la chair liée à la violence des médias sera un thème constant dans les vidéos de Neam Cathod et du Département d’entrainement à l’insanité.
He Was Alive Now He’s Dead
He Was Alive Now He’s Dead, Jean Décarie (alias Neam Cathod), 1983, 6 min.
La musique tout comme le bruit occupe une place prépondérante dans l’œuvre de Neam Cathod. Dans He Was Alive Now He’s Dead (1983), le téléviseur devient une source lumineuse et sonore scandée, métaphore du corps morcelé ; avec Danlkû (1989), le bruit médiatique devient tel que l’écoute et le visionnement en sont marqués par la mise en souffrance du corps14, celui du spectateur comme celui de l’image. La surcharge et l’accumulation d’informations audiovisuelles, l’hypermontage réalisé grâce à l’Hallucinoscope concourent tous à l’intensité du bruit et de la violence médiatiques.
Neam Cathod revient avec perversité à la pureté de l’image électronique. Contrairement aux recherches puristes d’un Gilles Chartier par exemple au début des années 1970, la pureté électronique est ici lourde du corps, du morcellement médiatique de l’identité. Christine Ross parle de « la pureté de l’impureté » à propos de la scène de défécation que comporte Danlkû, acte répété de rejet15. Fais aussi retour avec force et violence, dans la plupart des œuvres de Neam Cathod, la dynamique déchirante entre l’ivresse dionysiaque que porte la sensibilité musicale et la mesure apollinienne qu’affirme la création de formes plastiques et d’images iconiques. Danlkû montre la dissolution des figures fixes dans la fluidité sonore et vidéographique. Dionysos représente le principe de dissolution de l’individu dans le collectif par l’ivresse de l’orgie et de la musique. Œuvre d’agression médiatique répondant à un environnement des médias lui-même brutal, plutôt que l’apathie devant cette brutalité médiatique, notamment télévisuelle, Neam Cathod choisit la riposte. Le bruit ici se fait folie de l’image. Il produit la déroute de l’image, mais aussi du sujet de la réception : le bruit nous affole. Une telle œuvre vidéo ouvre non seulement l’ouïe, mais aussi toute la sensibilité à la dispersion du corps et de l’identité dans une fête « bruitale » et dionysiaque. Là la puissance du bruit attaque et agresse le bon sens que certains aimeraient garder devant une œuvre d’art. L’agression est totale quand les sonorités affolantes s’adoubent aux images elles-mêmes livrées aux hallucinations d’un hypermontage déconcertant le sujet.
Motel Kubiniana
Motel Kubiniana, Département d’entrainement à l’insanité, 1992, 12 min.
Conception/scénarisation/réalisation D.E.I avec la collaboration de Karl Steiner
Image : Claude-Antoine Guibord
Montage : Neam Cathod et Maël (Michel Giroux)
Direction aristique : Martin Blainville, Jimmy Lakatos
Musique : Kubiniana. 10 Klavierstücke nach Zeichnungen von A. Kubin op. 13 (Kubiniana, 10 pièces de piano d’après des dessins de A. Kubin op 13) de Hans Erich Apostel (1901-1972); interprétée au piano par Karl Steiner (1912-2001).
Jamais plus cependant une œuvre de Neam Cathod n’aura autant de fureur. Au contraire, l’une des dernières œuvres qu’il réalise avant de devenir professeur au département des communications de l’UQAM montre plutôt son admiration pour la musique savante du vingtième siècle. Motel Kubiniana qu’on lance le 22 mai 1992 lors du Printemps de PRIM repose en effet sur une musique de Hans Erich Apostel, composée en 1946 et interprétée par Karl Steiner (1912-2001) : Kubiniana. 10 Klavierstücke nach Zeichnungen von A. Kubin op. 13 (Kubiniana, 10 pièces de piano d’après des dessins de A. Kubin op 13). Cette vidéo détonne par rapport aux productions antérieures de D.E.I. Le vidéogramme est une sorte d’hommage à Apostel et Steiner qui font partie de ce qu’il est convenu d’appeler la « deuxième génération de la Seconde École de Vienne »16; ces compositeurs, musiciens et interprètes ont été les élèves d’Arnold Schönberg, d’Anton Webern ou d’Alban Berg, mais ils sont presque oubliés de l’histoire du dodécaphonisme en musique du fait de leurs tribulations pour fuir le nazisme. Steiner, qui a immigré au Canada en 1949, va interpréter cette pièce au piano et la radio anglaise de Radio-Canada l’enregistrait en 1956. Apparemment, Apostel considérait cette interprétation comme l’une des meilleures ; c’est cet enregistrement que l’on entend dans le vidéogramme. Dans la documentation présentant le projet ou dans les notes de programme accompagnant la présentation de la vidéo on explique la source et l’inspiration de cette production : le peintre Alfred Kubin réalisait à la fin de la Seconde Guerre mondiale une série de 60 portraits, dont les expressions et attitudes, « reflètent selon lui l’atmosphère fiévreuse de cette époque tourmentée17 ». C’est en 1949 que le compositeur viennois Hans Erich Apostel s’inspira de la série de portraits pour composer Kubiniana opus 13. Grâce à la participation de Steiner comme consultant musical, à ses partitions et aux notes laissées par le compositeur, le projet de vidéogramme prend la forme d’une allégorie.
« Au départ, on décide de situer l’action dans un motel parce que c’est un lieu de transition, un temps de pause. Ce motel constitue en fait un tissu médiatique en circuit fermé ; chaque chambre est munie de caméras et d’un téléviseur pouvant syntoniser les « autres chambres ». Ce lieu représente l’espace métaphorique du système dans lequel l’individu évolue aujourd’hui ; en perte de contact réel ; transcendé en contact médiatique. [… Les individus] sont isolés mais cependant reliés par ce système de surveillance18. »
Divisés en 10 tableaux, ceux-ci ne sont pas si clairement délimités dans le vidéogramme, mais ils permettent de structurer un vague récit qui évolue dans un décor de carton-pâte rappelant quelque peu l’expressionnisme des débuts du vingtième siècle. Les plans et l’éclairage accentuent ce rappel avec des plongées prononcées et des ombres qui s’allongent. Le tout concourt à une atmosphère inquiétante, angoissée et oppressante. « Un des thèmes préférés de Kubin était la mort », explique Décarie19. Karl Steiner joue son propre rôle en propriétaire du Motel Kubiniana. C’est lui qui possède la clé. « Dès le départ », poursuit le vidéaste-musicien :
« Karl m’a raconté l’histoire de cette composition. Chaque mouvement de l’opus 13 porte sur un des personnages dessinés par Kubin. Nous avons gardé les personnages dans le même ordre d’apparition. Nous avons, Maël (Michel Giroux) et moi, analysé la suite, mesure par mesure, pour faire le découpage technique. Chaque plan a été découpé en rapport à la musique et aux actions des personnages20. »
Daniel Carrière qui rend compte du lancement de l’œuvre dans un texte du Devoir le qualifie de « plus belle synthèse à ce jour de son humeur [à D.E.I.] massacrante21 ». Pour lui, Kubiniana est un « conte pour enfants » en comparaison des œuvres précédentes et, en effet, les décors tout comme la musique et la mise en scène m’ont rappelé les émissions pour enfant des années 1960 qui sonnaient de façon similaire ! Lorsque j’en fis la remarque à Jean Décarie, il m’expliqua que beaucoup des musiques de ces émissions furent composées par Herbert Ruff ; or celui-ci était, comme Steiner et d’autres, un réfugié juif apatride à Shanghai avant d’immigrer au Canada et de s’établir à Montréal. « Tu as donc écouté beaucoup de musiques de la deuxième génération de la seconde École de Vienne sans le savoir », me fit remarquer Décarie. Toutefois, on ne retrouve plus la violence bruitale et médiatique qui faisait la force des œuvres précédentes.
- 1CV 1991, Dossier Jean Décarie, archives de PRIM. L’Hallucinoscope fait maintenant partie des collections d’appareil de la Cinémathèque québécoise. 2014.0010.01-05.AP
- 2Dans un courriel à l’auteur daté du 21 août 2019.
- 3Ibid.
- 4Ross, C. (1991). « Le corps, la vidéo. Notes sur la souffrance ». Parachute 64, p 38.
- 5Fonds Jean Décarie (Neam Cathod), Cinémathèque québécoise, 2014.0767.21.AR.
- 6Dans une demande de subvention auprès du Ministère des Affaires extérieures du Canada datée du 12 mai 1989 ; Archives PRIM, dossier « Ministère des Affaires culturelles, Demande 1988-1989 ».
- 7Aussi étonnant que cela puisse être, cette œuvre sulfureuse a été télédiffusée en Europe par les soins de Canal + comme en fait foi le contrat de diffusion de février 1991 pour un nombre illimité de diffusions possibles sur une période de 6 mois et pour une somme de 20 000 francs hors TVA. Fonds Jean Décarie (Neam CAthod) dossier 2014.0767.20.AR.
- 8Introduction au Département d’Entrainement à l’Insanité. Archive de PRIM, dossier Jean Décarie.
- 9Ibid., non paginé.
- 10Dans un courriel à l’auteur le 24 octobre 2019.
- 11Dans un courriel à l’auteur le 24 octobre 2019.
- 12Dans un courriel à l’auteur le 24 octobre 2019.
- 13À ma connaissance elle ne fut jamais présentée hors d’un contexte universitaire.
- 14Ross, C. « Le corps, la vidéo. Notes sur la souffrance ». Parachute 64, p. 37-40.
- 15Ibid
- 16Document intitulé « Note de programme ». Fonds Jean Décarie (Neam Cathod), Cinémathèque québécoise, 2014.0767.25.AR.
- 17Ibid.
- 18Document intitulé « Note de programme ». Fonds Jean Décarie (Neam Cathod), Cinémathèque québécoise, 2014.0767.25.AR.
- 19Courriel du 24 octobre 2019.
- 20Courriel du 24 octobre 2019.
- 21Carrière, D. « L’entrainement à l’insanité et la quête de sens », Le Devoir, 26 mai 1992, p. B -6.