Skip to contentSkip to navigation

CinémaHorreur - Cauchemars canins

Apolline Caron-Ottavi
20 juillet 2023
Horreur - Cauchemars canins

Si les animaux ont toujours eu une place de choix dans l’horreur, les canidés y sont particulièrement à l’honneur. De la silhouette familière du chien, terrifiant lorsqu’il dévie de son rôle de meilleur ami de l’homme, au spectre de la lycanthropie, qui plane depuis l’antiquité, les créatures montrant les crocs ont hanté les films d’horreur pour mieux réveiller nos terreurs profondes : la métamorphose du corps et le basculement dans la folie.

The Wolf Man

La figure du loup garou a traversé l’histoire du cinéma avec un succès toujours renouvelé. Parmi la galerie des monstres, le loup garou a le mérite d‘être celui qui joue le mieux avec l’art de la transformation si cher au cinéma : un phénomène par définition en mouvement. Dans The Wolfman, qui vient compléter en 1941 la panoplie de monstres de la Universal, George Waggner a recours aux ellipses du montage et au fondus enchaînés pour filmer la métamorphose de son héros gentleman, complexifiant au passage l’idée du recours à la violence et la question de la responsabilité en plein conflit mondial.

L’année 1981 voit paraître non pas une mais deux des métamorphoses les plus spectaculaires de l’histoire des loups garous au cinéma, avec The Howling de Joe Dante et An American Werewolf in London de John Landis. Les deux films nous livrent la transformation dans toute son horreur viscérale : les poils et les os poussent, la carcasse se déforme, les griffes et les canines sortent, le visage s’allonge… Avec autant d’humour que de panache, John Landis étire tout particulièrement la chose en longueur et choisit de tourner la scène en pleine lumière, ne nous épargnant rien des détails grâce à la magie du maquillage. Pour l’anecdote, Rick Baker, grand spécialiste des effets spéciaux, quitta le tournage de The Howling pour travailler sur celui d’An American Werewolf in London, confiant le premier à son disciple Rob Bottin.

An American Werewolf in London

The Hound of the Baskervilles

Mais si c’est le croisement avec l’humain qui nous angoisse chez le loup garou, le chien terrifie lui dans son altérité, d’autant plus troublante qu’il est l’animal le plus proche de l’homme. Du côté de la Hammer, la bête qui hante les landes dans The Hound of the Baskervilles (1959) grandit dans les esprits à mesure qu’augmente l’aura de légende qui l’entoure, soulignant le poids de l’imaginaire dans la terreur des hommes, et la manipulation dont ceux-ci peuvent faire l’objet à travers elle.

Dans Baxter (1989), Jérôme Boivin joue sur la fine ligne entre anthropomorphisme et altérité avec son personnage de chien pensant (c’était l’accroche de l’affiche : « méfiez-vous du chien qui pense »), qui se venge d’humains dont il rage d’être dépendant et nous confie son mal-être à travers une voix off écrite par Jacques Audiard. Ce chien trop humain, qui titille notre sympathie dans la monstruosité, nous renvoie bien sûr le reflet d’une humanité qui oublie parfois de l’être.

Baxter

The Thing

Terminons enfin sur l’une des scènes de chien les plus inoubliables du cinéma d’horreur : l’ouverture de The Thing de Carpenter (1982), où l’on voit une pauvre bête fuir un hélicoptère qui le pourchasse à travers les étendues glacées du pôle Nord, au son des accords de plus en plus insistants de la trame sonore d’Ennio Morricone. Comme le héros qui le recueille, notre empathie va immédiatement à ce chien victime de la folie des hommes… Cette erreur de jugement initiale double l’effroi qui suit d’un terrible sentiment de trahison. Comme quoi, surtout en matière d’horreur, une image peut toujours en cacher une autre.