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Image tirée de Système des beaux-arts / System of Fine Arts, Daniel Dion et Philippe Poloni, 1980.

Cette œuvre veut s’amuser avec le système auquel le titre réfère, tout comme elle se moque de la télévision.

Système des beaux arts / System of Fine Arts

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Système des beaux-arts / System of Fine Arts, Daniel Dion et Philippe Poloni, 1980, 9:30 min.
Scénario : Philippe Poloni
Collaboration : Sylvain Masse, Le Vidéographe

C’est avec Système des beaux-arts que Daniel Dion et Philippe Poloni se font connaître par une activité multiforme. Daniel Dion s’était manifesté auparavant, dès 1977, par des performances avec des acolytes tels que Daniel Guimond et Alain Bertrand. Dans la vidéo introductive de la série Art performance au Québec (1980) produite par Art Montréal et Tom Konyves que nous présentons aussi, un jeune Daniel Dion (1958-2014) derrière ses lunettes de soleil affirme nonchalamment que « La performance c’est d’être malade. […] Les actions doivent être choquantes, terrorisantes. […] le terrorisme, ça coûte cher ». Dion à l’époque est, avec son ami et collègue Daniel Guimond, de cette nouvelle génération très iconoclaste voulant s’opposer à ce qu’il croyait dominé par la contre-culture et le « peace and love » comme il le dit dans une entrevue que je réalisais avec lui pour le catalogue de l’exposition Daniel Dion. Parcours1. Les premières apparitions publiques de Daniel Dion remontent à 1977 ou 1978 quand il a 19 ou 20 ans. Il réalise huit performances jusqu’en 1985 : Malheureusement il n’y a pas de théâtre au ciel, mais Cocteau dit que la chute des anges est insensée; Valeur/Extra/Règle; Synchro-Doll; Dasein; Système des beaux-arts; Opéra; Les Sardines sont bourrées d’héroïne ou comment bouger dans l’espace; Banzai. Ainsi à partir de 1977, avec Guimond et Alain Bertrand, il entame une première phase de création en performance par des actions et des interventions physiques, énergiques et souvent violentes.

Système des beaux-arts, première coréalisation de Daniel Dion et Philippe Poloni et produit grâce au soutien technique de PRIM, fut présentée pour la première fois par la galerie Open Space (Victoria, B.C.) dans le cadre d’un projet de câblodiffusion cette année-là. Avec ses plans hors foyer et ses couleurs déréglées, cette vidéo est toujours aussi iconoclaste, mais beaucoup moins violente que ne l’étaient les performances précédentes. Cette œuvre veut s’amuser avec le système auquel le titre réfère, tout comme on se moque de la télévision. Le duo Dion/Poloni incarnait ces « guerriers postmodernes » dont parlait René Payant et surtout leurs performances sont des « œuvres-manifestes » que le critique définit ainsi : « Abandonnant le ton militaire et militant des manifestes des avant-gardes historiques, l’œuvre-manifeste d’aujourd’hui ne craint pas de perdre son efficacité et son sérieux en incluant l’humour dans sa rhétorique. Car l’humour c’est juger en s’amusant2. »

Cette vidéo au ludisme flagrant est ce qui reste d’un ensemble chapeauté par ce titre : une installation qui consistait en l’occupation avec des échafaudages d’une salle du Musée d’art contemporain de Montréal, une performance présentée à la Helen Pitt Gallery de Vancouver en mars 1982 et une exposition de photographies au Western Front dans cette même ville. Ce vidéogramme est le plus représentatif de l’ensemble des réalisations du duo Dion/Poloni démontrant un parti-pris d’humour et de légèreté. Quand Poloni dit à la caméra : « J’invite ma bouteille de champagne à sortir avec moi ce soir », nous comprenons aisément qu’il s’agit d’une raillerie vis-à-vis d’un art autoréférentiel parfois austère. Les artistes utilisent des déphasages entre la caméra 1 et la caméra 2 que Poloni ne cesse de souligner pour adresser aux spectateurs son discours d’un air goguenard. Dion affirme qu’il s’agissait aussi de se moquer du système de la télévision3. Le discours de l’œuvre est au bout du compte redondant et ambigu, les images sont tronquées et le plan est parfois hors foyer. Dès lors, distinguer la perspective de la caméra de celle du spectateur devient de plus en plus malaisé.

La collaboration entre Daniel Dion et Philippe Poloni durera encore quelques années. En 1982, Daniel Dion fonde OBORO, centre d’artiste montréalais encore actif, avec sa compagne Su Schnee avec laquelle il co-réalise À propos peinture (1985, couleur, 18 min) lors d’un séjour au Western Front à Vancouver d’où elle est originaire. Celle-ci aura une grande influence sur l’esthétique et les orientations intellectuelles et idéologiques de son compagnon, le faisant bifurquer vers les philosophies orientales. Si sa jeunesse fut marquée, comme nous venons de le voir, par la révolte et une esthétique empreinte de violence, sa maturité sera celle du transculturalisme qu’a incarné l’œuvre réalisée d’abord au Musée des beaux-arts du Canada en 1993, Le Salon de thé mondial4 avant d’être présentée dans de nombreux pays.

Couverture de l’unique numéro de cette revue publiée par « Prime » vidéo, le nom qu’avait pris Vidéo véhicule avant de devenir P.R.I.M. vidéo (Productions et réalisations indépendantes de Montréal) qui sera fondé quelques mois plus tard à l’été 1981. Ici la page couverture montre Philippe Poloni dans Polonium (1980). BAnQ : PER C-1316

Daniel Dion est malheureusement décédé trop jeune en 2014 à l’âge de 56 ans. Philippe Poloni réalisa en solo une installation dans le cadre de Vidéo 84 présentée dans la vitrine de la Galerie Graff, Super Natural, où il dispose vingt-six moniteurs montrant trois sortes d’images : une jeune femme qui retire sa robe et nous montre son dos à l’infini, des images de rues de New York et des couvertures de magazines italiens de mode. Cette œuvre incarnait un certain maniérisme de la superficialité fréquent dans l’art contemporain des années 1980. Par la suite, Poloni, né en 1960, se fera remarquer par quelques romans.

  1. 1
    Gagnon, J. (1993). « À Propos performance. » Daniel Dion. Parcours. Ottawa : Musée des beaux-arts du Canada.
  2. 2
    Payant, R. (1987). « Les Guerriers postmodernes. » Vedute, pièces détachées sur l’art, 1976-1987. Laval (Qc) : Éditions Trois, p. 360.
  3. 3
    Gagnon, Jean (1993). « À propos performance », op. cit., p. 19-20.
  4. 4
    Co-réalisé avec Su Schnee et Bryan Mulvihill.
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