Partition pour voix de femmes nous fait voyager au cœur d’un rassemblement mondial unique et exceptionnel à l’échelle mondiale. Initiative de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), la Marche mondiale des femmes (MMF) invite, en l’an 2000, les femmes du monde entier à marcher pour dénoncer la pauvreté et les violences faites aux femmes. Deux grands objectifs président à l’organisation de l’événement. Le premier, faire connaître au niveau international les revendications des femmes et les alternatives qu’elles proposent sur les questions de pauvreté et de violence. Le second, porter la parole des femmes auprès des décideurs partout où ils se trouvent, démontrer la force des mouvements de femmes à travers le monde et développer de nouvelles solidarités entre femmes. Le film participe à ce projet grandiose en s’inspirant de cette approche décentralisée et enracinée dans les réalités et revendications locales des femmes d’une multitude de pays.
Le projet de la MMF prend son origine dans la foulée de la Marche du pain et des roses organisée par la FFQ en 1995, alors même que la possibilité d’un tel rassemblement avait déjà été évoquée lors d’un atelier au Forum de Beijing la même année. Dès 1996, sous l’égide de la FFQ, des comités de coordination et des groupes de femmes s’organisent dans 161 pays. Au final, on estime leur nombre à plus de 6 000 et à plus de cinq millions, le nombre de femmes qui se rallient au mouvement. Au cours de l’année 2000, tous ces groupes ont pour mission, dans leur pays respectif, de faire connaître directement aux instances responsables leurs préoccupations et revendications. Partition pour voix de femmes, grâce au concours des cinéastes associées au film sur tous les continents, fait voir cette planète des femmes en marche et fait découvrir des initiatives audacieuses pour endiguer la pauvreté et la violence.
Le film suit aussi l’escalade des activités jusqu’à leur point culminant : une marche européenne a lieu à Bruxelles, le 14 octobre, suivie le 16 octobre par une rencontre avec le président de la Banque Mondiale et le directeur du Fonds monétaire international à Washington. Enfin, le 17 octobre, 200 militantes présentent leurs revendications, au nom de la MMF à l’Assemblée générale des Nations unies, tandis qu’une grande marche se déroule dans les rues de New York.
À l’origine, la MMF devait être un événement ponctuel. Mais, à la suite du succès planétaire de cette mobilisation de l’an 2000, bien rendu par le film, les participantes de la Marche ont pris la décision de poursuivre l’aventure en créant un mouvement mondial qui pose des actions tous les cinq ans et qui, entre deux actions, poursuit son travail de construction des solidarités au-delà des frontières.
Ainsi, en 2005, les militantes de la MMF ont élaboré une Charte mondiale des femmes pour l’Humanité, dont les principes allaient devenir la pierre d’assise du mouvement. En 2010, les thèmes du bien commun et l’accès aux ressources, de l’autonomie économique des femmes, de la violence envers les femmes et de la paix et la démilitarisation constituaient les revendications mondiales. Le Québec y ajouta une revendication spécifique en solidarité avec les femmes autochtones afin que le Canada signe la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. En 2015, le slogan « Libérons nos corps, la Terre et nos territoires » amenait notamment l’environnement à l’avant-plan des demandes. Pour mémoire, 10 000 personnes étaient présentes le 17 octobre 2015 à la clôture de la Marche québécoise à Trois-Rivières. En 2020, la MMF regroupe entre 4000 et 6000 groupes de femmes de la base, répartis sur tous les continents, autour des thématiques de la pauvreté, de la violence, de l’environnement et des personnes migrantes.
La MMF se distingue des autres regroupements transnationaux par plusieurs aspects, ce qui en fait son originalité, sa créativité et sa longévité. On peut en effet se demander, mais qu’est-ce qui fait courir les militantes depuis l’an 2000 ? En appartenant à la MMF, on appartient à un mouvement plus grand que soi, qui touche potentiellement toutes les femmes du monde. Les initiatives artistiques et politiques présentées dans le film font toujours partie de l’ADN de la Marche. Celle-ci repose également sur la force des initiatives locales, permettant l’expression des différences entre les femmes, suivant leur condition et leur appartenance géographique, tout en permettant la création d’un « nous » mondial dans lequel il est possible de se reconnaître. Vivant grâce à l’énergie de ses militantes, ce mouvement mondial prouve qu’il est possible d’entrer en solidarité avec d’autres et de développer des perspectives féministes sur des sujets qui ne sont pas forcément des sujets traditionnellement féminins. Avec d’autres, la MMF a développé des perspectives féministes notamment sur l’économie, l’environnement ou la souveraineté alimentaire, proposant un projet de transformation féministe qui tient compte des spécificités territoriales et de nos différences.
Partition pour voix de femmes consigne pour la postérité le point de départ de ce mouvement irrépressible porteur d’espoir, répondant bien à un des appels à l’action de la MMF : « Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous marcherons ».
RÉFÉRENCES
Asselin, Michèle et l’Intersyndicale des femmes « Une histoire brève de la Marche Mondiale des femmes », 2010. https://www.lacsq.org/fileadmin/user_upload/csq/documents/condition-des-femmes/Marche_ mondiale_des_femmes_2010/Outils_ des_autres_groupes/ Histoire_de_la_Marche_mondiale_des_femmes.pdf
Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes. http://www.cqmmf.org/
Dossier : Marche mondiale des femmes. http://cdeacf.ca/dossier/MMF
Dufour, Pascale et Isabelle Giraud, Dix ans de solidarité planétaire. Perspectives sociologiques sur la Marche mondiale des femmes, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 2010.
Entrevue avec Diane Matte « Deux mille bonnes raisons de marcher ! », Feminist Strategies féministes, 2002. https://www2.unb.ca/parl/strategies/marche.htm
Guénette, Louise et Martine David, Pas à pas pour changer le monde. Mosaïque en hommage aux luttes des femmes du monde, Marche mondiale des femmes, 2000.
Marche mondiale des femmes. https://marchemondiale.org/
McDermott, Joane et Marie-France Benoit, Marche mondiale des femmes : 20 ans de solidarité féministe, À compte d’auteur, 2020.
Verdière, Brigitte et Mercédès Roberge, Femmes en marche. Regard sur les actions et revendications de la Marche mondiale des femmes, Éditions du remue-ménage et Marche mondiale des femmes, 2002.