CinémaAventures aériennes

John Harbour, programmateur invité du cycle Aventures aériennes, nous partage sa passion pour l'aviation et ses réflexions sur la façon dont elle a fait rêver l'humanité comme le cinéma.

Porco Rosso de Hayao Miyazaki
Mon histoire avec l’aviation ne commence pas avec le cinéma, mais plutôt avec le jeu vidéo. Je me rappelle encore qu’enfant, mon père et moi nous amusions à faire décoller toutes sortes d’aéronefs (des Cessna, des Boeing, le fameux Concorde et j’en passe) dans les différents opus de la série Flight Simulator (Microsoft) ou encore à réaliser quelques missions dangereuses dans F-15 Strike Eagle III (MicroProse, 1992). À mon adolescence, j’ai intégré les cadets de l’Air dans l’espoir d’obtenir à l’âge de 17 ans mon brevet de pilote. Je ne l’ai jamais obtenu. La raison est toute simple : je découvrais au même moment les arts et j’ai eu à choisir entre aller voir Paul McCartney en concert sur les Plaines d’Abraham ou « subir » un camp d’été de trois semaines sur une base militaire. La décision que j’ai prise, si anodine en apparence, a en fait été l’une des plus déterminantes de ma vie.
Ainsi, même si je me suis tourné vers les arts, ça ne m’empêche pas d’être encore là à vous parler d’aviation aujourd’hui. Voyez-vous, je suis du genre à réfléchir aux liens entre les évènements, à tenter de créer du sens dans les choses que j’aime et dans celles que je n’aime pas. J’essaie toujours de trouver la logique, ma propre logique. Pourquoi j’aime les avions? Pourquoi j’aime le cinéma? Pour moi, c’est au fond la même chose. Ils représentent l’opportunité de m’enfuir, soit de la réalité, soit de la gravité. Ils me permettent d’atteindre une espèce de liberté l’espace d’un instant et d’échapper à la logique, au rationnel, à tout ce qui est ennuyant.
C’est d’ailleurs Edgar Morin qui disait que l’aviation « réalis[ait] […] le rêve le plus insensé que l’homme ait poursuivi depuis qu’il regarde le ciel : s’arracher à la terre » et que le cinéma, après avoir reflété à ses débuts « la réalité terre à terre », s’est mis à « [s’]élanc[er], toujours plus haut, vers un ciel de rêve, vers l’infini des étoiles […], baigné de musique, peuplé d’adorables et de démoniaques présences, échappant au terre à terre dont il devait être, selon toutes apparences, le serviteur et le miroir » [1].

Christopher Strong de Dorothy Arzner

Aiplane! de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker
Pour moi, l’aviation et le cinéma incarnent aussi chacun à leur façon un lieu où l’humain peut sans cesse se réinventer et repousser ses limites (physiques, psychologiques, technologiques). Pensons aux appareils de plus en plus performants que les compagnies aériennes fabriquent (aussi bien dans le civil que dans le militaire) ou aux cinéastes qui emploient constamment de nouvelles technologies pour créer des univers toujours plus réalistes. Aviation et cinéma sont en mutation constante et ils nous amènent à repenser régulièrement notre rapport à notre évolution.
Enfin, je me suis aperçu il n’y a pas si longtemps que ces deux intérêts que j’ai se rencontraient quelque part : plusieurs films que j’aimais portaient sur l’aviation. Qu’il s’agisse de drames de guerre avec The Blue Max (John Guillermin, 1966), de comédies avec Airplane! (Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker, 1980), d’animation avec Porco Rosso (Hayao Miyazaki, 1992) ou d’action avec Top Gun (Tony Scott, 1986), un avion pouvait aussi bien me mettre sur le bout de ma chaise que me faire rire ou pleurer. À cela, j’ai aussi pris conscience que certains de mes plans préférés du cinéma devaient leur esthétique à l’aviation. Je pense à la célèbre séquence d’ouverture fantomatique de The Shining (Stanley Kubrick, 1980) filmée entièrement par un hélicoptère jusqu’au très récent Top Gun: Maverick (Joseph Kosinski, 2022) où des caméras ont été placées dans les cockpits des appareils pour capter l’action au plus près des personnages qui la vivent. L’aviation a indéniablement contribuée à l’esthétique du cinéma.
Ce sont tous ces liens que j’ai voulu présenter au public à partir de films qui abordent ce thème, chacun à leur façon. Qu’il s’agisse de courses d’avions, de records de vitesse, de combats aériens, de l’apport des femmes à l’aviation à travers le temps : tout a été mis en place pour que les cinéphiles vivent des émotions fortes à partir de points de vue et de genres cinématographiques variés. J’espère que ma passion sera contagieuse et que le public trouvera autant de plaisir à voir ces films que j’en ai eu à les sélectionner.
Avant de donner la parole aux films, j’aimerais remercier chaleureusement Guillaume Lafleur pour m’avoir offert l’opportunité de réaliser cette programmation ainsi qu’Apolline Caron-Ottavi pour son soutien et ses précieux conseils tout au long du processus.
Bon vol!
- 1Edgar Morin, Le Cinéma ou l’homme imaginaire, Paris, Éditions Gonthier, 1965 [1958], p. 9-10.
En-tête: Those Magnificent Men in Their Flying Machines de Ken Annakin

Aviature de Bruno Boulianne