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ALAIN THIBAULT AVEC MIGUEL RAYMOND
November 2021

Image tirée de E.L.V.I.S. (Electro-lux vertige illimité synthétique), Alain Thibault, 1984

Œuvre de "science-fiction" qui fait appel à des citations de Philip K. Dick, de Kant ou de Sartre, « Out » (1985) est remarquable par l’utilisation avancée d’outils informatiques et pour sa « prémonition » de ce que de nos jours on appelle les réalités virtuelles.

Pour célébrer le 50e anniversaire de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, l’événement intitulé La mouvance multimédia fut présenté le 16 novembre 2000 à la salle Claude-Champagne. On y trouvait la présentation d’un programme de vidéomusique préparé par Jean Piché avec des œuvres de Michel Smith, Nicolas Borycki, Bertrand Chénier, Alain Pelletier, Marcelle Deschênes, Jean Décarie, Julien Roy, Alain Thibault et Piché lui-même. On y présentait notamment des extraits de l’opéra OUT (1985) de Miguel Raymond pour l’animation vidéographique et Alain Thibault pour la musique, soit les sections suivantes que nous présentons ici : « God’s Greatest Gift », « Impossible Orchestra » et « OUT-réalité ».

God’s Greatest Gift

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God’s Greatest Gift, extrait tiré de l’opéra-vidéo OUT, Alain Thibault et Miguel Raymond, 1986, 3:10 min.
Musique : Alain Thibault
Vidéo : Miguel Raymond
Post-production réalisée à PRIM vidéo
Production : Impossible Orchestra

Impossible Orchestra

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Impossible Orchestra, extrait tiré de l’opéra-vidéo OUT, Alain Thibault et Miguel Raymond, 1986, 4:05 min.
Musique : Alain Thibault
Vidéo : Miguel Raymond
Post-production réalisée à PRIM vidéo
Production : Impossible Orchestra

Out

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Out, extrait tiré de l’opéra-vidéo OUT, Alain Thibault et Miguel Raymond, 1986, 4:10 min.
Musique : Alain Thibault
Vidéo : Miguel Raymond
Post-production réalisée à PRIM vidéo
Production : Impossible Orchestra

Cette œuvre ambitieuse avait été présentée en première par la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) au Spectrum le 5 décembre 19851 devant plus de 650 personnes2. Les artistes en parlent comme d’une œuvre « pour synthétiseurs, vidéo, danse, percussion électronique, saxophone MIDI et voix synthétique ». Plusieurs personnes participent au spectacle ou collaborent à sa conception et à sa réalisation. Alain Thibault en imagine le scénario et compose la musique qu’il produit grâce au synthétiseur Fairlight de la Faculté de musique de l’Université de Montréal ; Miguel Raymond produit les vidéos du spectacle et les traite en direct par un ordinateur Aniputer durant le spectacle d’une heure. Sylvy Panet-Raymond crée la chorégraphie et la mise en scène en plus de danser sur scène. On trouve encore, parmi les collaborateurs, Michel Lemieux et Hans Andrews aux voix échantillonnées et Jean Décarie à la régie vidéo. Les équipements vidéo sont d’ailleurs fournis par PRIM et on remercie aussi la Coop Vidéo de Montréal où travaille parfois Miguel Raymond avec Bill Vorn.

Le synopsis du spectacle se lit comme suit :
En 20903 le gouvernement mondial institue l’immigration psychique dans les OUT-Réalités pour les habitants de la Terre comme solution aux problèmes terrestres sans cesse grandissants. Le docteur Tagomi et ses ingénieurs sont les créateurs de ces réseaux de réalités synthétiques. Leur similitude avec « le créateur » met en doute l’existence même de la réalité telle que nous la concevons. Ce spectacle, que l’on pourrait qualifier d’« Opéra-Vidéo », est en sorte (sic) une des séances d’information organisées par le Gouvernement Mondial, ayant pour but de promouvoir et de démontrer ce nouveau mode de vie que sont les Out-Réalités. Cette création est basée sur le concept de simulation appliqué à différents médiums visuels et sonores4.

Œuvre de « science-fiction » qui fait appel à des citations de Philip K. Dick, de Kant ou de Sartre, elle est remarquable par l’utilisation avancée d’outils informatiques et pour sa « prémonition » de ce que de nos jours on appelle les réalités virtuelles. Le spectacle était composé de 12 tableaux, il faisait voir et entendre un « dosage entre le spectacle multi-média traditionnel, l’opéra et le spectacle rock. » La fiche technique mentionne qu’il comporte notamment 15 projecteurs à diapositives, 32 moniteurs ou téléviseurs de 20 pouces, une caméra couleur, un projecteur vidéo, un Aniputer A-100, une console de son 24 entrée, etc. Quincaillerie imposante, mais le plus remarquable est l’utilisation de ce que Miguel Raymond appelle le Vidéo Drum Midi (VDM) qu’il décrit dans le dossier du projet soumis à PRIM :

« Cet instrument consiste en un ordinateur central acceptant jusqu’à 8 sources vidéo différentes, ayant le pouvoir de séquencer, ou d’aiguiller les différents signaux aux 32 sorties vidéo indépendantes de l’appareil. La programmation de cet appareil, bien que versatile, est plutôt simple : fonctionnant avec un système de codes universel développé pour la musique (MIDI). Ce systhème (sic) est aussi compatible avec les codes SMPTE utilisés en vidéo. […] En utilisant le MIDI, on peut donc utiliser tous les instruments MIDI pour contrôler le vidéo. La programmation se fait sur un ordinateur Macintosh à partir d’un logiciel de composition de musique ce qui permet d’écrire des partitions visuelles en tenant compte de toutes les autres partitions de la pièce, tant visuelles que sonores. […]. Le V.D.M. est une première, une invention, et le modèle utilisé en spectacle est le prototype5. »

Non seulement est-ce un spectacle multimédia qui fait un usage sophistiqué de diverses technologies, mais comme ce texte nous le démontre on a inventé un « instrument » permettant de jouer en direct des images et des sons, ce qui est rare pour l’époque.

La diffusion de OUT prend aussi plusieurs formes. Ainsi seulement pour l’année 1986, la bande sonore est diffusée à Radio-Canada, une version vidéographique circule à Toronto et en France. Le segment du spectacle « God’s Greatest Gift » remporte aux États-Unis le premier prix de la revue Keyboard Magazine. De plus, le 10 juillet 1987 le segment « OUT » est diffusé sur le réseau national de la télévision de Radio-Canada. Dans sa forme vidéographique, on le verra aussi lors du festival Images du futur dans le Vieux-Port de Montréal en juin 1987. Enfin la version complète du spectacle d’une heure fut présentée en septembre 1987 par New Music Concerts de Toronto.

Quant à la réception critique de ce spectacle, elle semble avoir été plutôt négative. On reproche surtout à celui-ci sa contradiction entre le message avoué de paix — d’ailleurs la première dans le cadre de la soirée organisée par la SMCQ se voulait « un concert sur la paix » comme le disait le texte introductif du programme — et la virulence de la musique et du visuel. Le critique du Journal de Montréal signale que cette violence des images, de la parole et de la musique va à l’encontre du message « répété de façon hallucinante par le simulacre de Ronald Reagan : “God’s greatest gift is human life6 ». Une critique parue dans Parachute7 va dans le même sens, mais avec plus de profondeur. On reproche au spectacle sa critique de l’impact des médias de masse et de leurs rôles dans l’idéologie belliqueuse symbolisée à l’époque par Ronald Reagan tout en ne remettant pas en question son propre engouement pour les images et les sons technologiquement produits. Bien que l’on considère la musique de Thibault comme l’élément le plus achevé des présentations multimédias de la soirée de la SMCQ, on reproche aux créateurs des images, Miguel Raymond et Jacques Collin, de s’être laissés submerger par la facilité à produire des permutations visuelles sans fin grâce à l’informatique. Le critique affirme que d’être soumis à cette surenchère d’images géométriques changeantes était fatigant et insensé pour les spectateurs. On reconnait là une esthétique musicale et visuelle qui sera la marque du travail à venir d’Alain Thibault avec Yan Breuleux, une musique savante, mais proche de la techno, accompagnée de motifs et de formes abstraites ou géométriques qui se transforment. L’opéra OUT a pu ne pas être l’œuvre la plus réussie, mais elle préfigure néanmoins l’impact qu’auront les technologies numériques sur la création vidéographique et sur la rencontre des disciplines.

Juste avant cet opéra technologique, Thibault avait produit une bande vidéo dont le fonds PRIM garde un exemplaire rare.

E.L.V.I.S. (Electro-lux vertige illimité synthétique)

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E.L.V.I.S. (Electro-lux vertige illimité synthétique), Alain Thibault, 1984, 15:55 min.
Concept et musique : Alain Thibault
Visuel multi-image : Jacques Collin, Paul St-Jean, Denis Latendresse, Yoshua Bengio
Graphisme par ordinateur : Yves Martel
Laser : Pierre St-Hilaire

  1. 1
    Dossier Alain Thibault, Archives de PRIM.
  2. 2
    Selon Miguel Raymond, dans une demande au Conseil des arts du Canada en 1986. Dossier Miguel Raymond, Archives de PRIM.
  3. 3
    D’autres documents disent 2084. Il semble que ce soit cette date qui ait été retenue officiellement probablement à cause de sa « connexion » avec 1984.
  4. 4
    Dossier Alain Thibault, « Dossier de présentation du projet ». Archives de PRIM. Je n’ai pas corrigé la syntaxe ou autres erreurs de ce texte.
  5. 5
    Ibid.
  6. 6
    Journal de Montréal, 1er mai 1986, p. 63.
  7. 7
    Paul Théberge, « (S)pace », Parachute, mars-mai 1986, pp. 38-39.
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