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JEAN PIERRE BOYER
November 2021

Jean-Pierre Boyer, image tirée de Vidéogrammes inédits, 1975. Collection Fondation Daniel Langlois. Cinémathèque québécoise, Fonds Jean-Pierre Boyer.

Boyer était assez unique dans sa recherche tentant d’allier la musique électronique ou concrète aux manipulations des signaux analogiques de l’image de télévision.

L'image électronique

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L’image électronique, documentation, Douglas Duart Maclean, 1974, 31 min 46 s

Sous ce titre, L’image électronique, se tenait un événement les 15, 16 et 17 novembre 1974 au Musée d’art contemporain qu’organisait un jeune vidéaste, Jean-Pierre Boyer. Le vidéogramme que nous présentons est constitué de moments choisis parmi « Conférence – Atelier – Visionnement », structurant ces trois journées comme le dit le communiqué de presse. L’un des buts était de permettre au public de voir des bandes vidéo d’artistes comme Steina et Woody Vasulka avec lesquels Boyer est en étroit contact. Walter Wright et les Québécois David Rahn et Gilles Chartier, ce dernier étant un pionnier de l’exploration du vidéo feedback ou rétroaction vidéographique depuis 1970, participaient aussi à ces journées. Boyer était assez unique dans sa recherche tentant d’allier la musique électronique ou concrète aux manipulations des signaux analogiques de l’image de télévision. À cause de son intérêt pour l’imagerie et les sons électroniques, son chemin croise celui de Steina et Woody Vasulka, et son réseau s’étendra au sud de la frontière principalement dans le nord de l’état de New York où il est en contact avec l’Experimental TV Centre à Owego et le Media Studies à Buffalo fondé par Gerald O’Grady, lieux et organisations qu’il fréquentait, où enseigneront bientôt les Vasulka au milieu des années 1970. Les acteurs de ce milieu, tels que Paik ou Stephen Beck, mais aussi Walter Wright et Ralph Hocking et bien d’autres sont des instrumentistes de la vidéo ; ils s’intéressent au jeu avec les instruments électroniques de l’image et du son, les synthétiseurs et autres appareils comme le Rutt/Etra Scan Processor ou le Scanimate. Bien que s’agissant d’une filière qui n’est pas nécessairement sur la même voie que les artistes évoluant auprès de Véhicule comme Tom Dean ou Suzy Lake, il y avait une certaine mobilité dans le petit milieu montréalais de la vidéo et s’il existait certains clivages linguistiques entre les praticiens francophones et anglophones, si les uns et les autres ne se réclamaient pas toujours des mêmes démarches ou influences, il n’en demeure pas moins que les gens se connaissaient, collaboraient et s’aidaient au gré des circonstances et des rencontres. Ainsi, Boyer est mentionné comme collaborateur sur certaines œuvres vidéo de Bill Vazan.

L’Image électronique signale qu’il y avait un intérêt pour « l’expérimentation » autrement que selon les préceptes de l’art conceptuel ou de la performance. Les expériences de création d’images au moyen d’instruments et appareils électroniques partagent avec cet art l’aspect systématique qui s’attarde au processus mis en route. Et tout comme l’art conceptuel, les artistes de la mouvance électronique ne se préoccupent pas d’expression personnelle. Jean Pierre Boyer, l’organisateur de l’événement, place la problématique en regard « des possibilités inédites du médium télévision » et il vise à « démystifier le caractère trop souvent magique d’une pratique “art et technologie” ».¹ La visée est aussi didactique et les journées sont divisées entre des présentations, des démonstrations d’appareils et des visionnements accompagnés de rencontres avec les artistes. Dans une page de la brochure intitulée Conférence thématique, Boyer donne une liste qui fait penser à un plan de cour avec des rubriques telles que : « Qu’est-ce que la télévision ? Son fonctionnement ? » ; ou encore : « Vidéo expérimental et didactique de la vision », rien de moins ! Celles-ci côtoient des rubriques plus techniques sur la manipulation électronique ou optique, de même que des présentations d’appareils. En effet le Experimental TV Center (ETC) dans l’état de New York a prêté le Paik/Abe synthesizer de même que le Rutt-Etra Scan Processor et le système « Scanimate ». Les deux synthétiseurs sont amenés par Walter Wright du ETC jusqu’à Montréal comme en fait foi la correspondance avec Boyer ; pour le Scanimate, il est possible que Wright en soit aussi le fournisseur puisqu’il est à l’emploi de cette compagnie. Wright est un Canadien² qui travaille depuis 1970 dans le développement de l’animation assistée par ordinateur et notamment pour la compagnie Scanimate Video Graphics. La dimension didactique prend un tour concret par des démonstrations du fonctionnement de ces appareils et des effets visuels qu’ils produisent, ce que nous voyons dans l’une des sections du vidéogramme ici présenté. Dans le texte principal de la brochure signé par Danielle Lafontaine accompagnant l’événement, il est écrit que « la vidéo c’est l’anti-télévision, le rejet des conventions de la narration et la repossession de l’image électronique comme outil spécifique de production. » La pratique des signaux exigerait une « dé-standardisation » voulant combattre les normes de la télévision et son univocité. Comme les œuvres expérimentales sont difficiles à comprendre pour un public novice ou rarement exposé à autre chose que la télévision quotidienne de nos chaines courantes, on organisa parallèlement aux visionnements un exposé sur le fonctionnement du « médium télévision » et un atelier permettant au public de se livrer à des explorations visuelles grâce aux appareils. Explication du video-feedback comme on le disait à l’époque, de la rétroaction pour le dire en français, du circuit fermé avec les interventions de l’instrumentiste dans le système de rétroaction afin de varier les formes et les mouvements.

Le critique Jules Arbec relève qu’on peut aussi utiliser le corps et les ondes électromagnétiques du corps humain, dont les ondes cérébrales ; on pourrait aussi simuler la 3e dimension par la manipulation de formes visuelles dans la profondeur de l’écran cathodique. On y parle d’image de synthèse sans employer le terme. Plus tôt cette année-là, en juin 1974, le Vidéographe avait reçu Boyer pour des séances de télévision expérimentale comprenant de la rétroaction biologique, faisant ainsi écho à des expériences similaires du compositeur Pierre Henry.³ L’expérience fut suffisamment concluante pour que Boyer accouche d’un vidéogramme intitulé Vidéo-cortex (1973-1974). Jules Arbec estime que la démarche esthétique de Boyer ou de Woody et Steina Vasulka est « authentique ». Il les appelle des « artistes techniciens » dont la tâche n’est pas de s’attaquer au contenu, mais bien d’explorer le langage. Le danger, nous prévient le critique, étant toujours de perdre l’art au profit de la technologie.4

Documents d'archives
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    Communiqué de presse.
  2. 2
    Né en 1941 à Ottawa, éducation secondaire à Neufchâtel en Suisse, ayant obtenu un baccalauréat en Architecture de l’Université du Manitoba, puis une maitrise en science appliquée à l’Université de Waterloo. Voir Curriculum Vitae dans la Brochure de L’image électronique.
  3. 3
    Filion, Éric (2013), « L’image électronique vue par Jean-Pierre Boyer, du feedback au vidéo-cortex ». Hors-Champ, mars-avril 2019. Consulté en ligne le 16 juillet 2019. https://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article535
  4. 4
    Jules Arbec (1974). À propos d’un colloque au Musée d’art contemporain. Créer de l’art avec l’image électronique. Coupure de presse sans mention de source. Fonds Jean-Pierre Boyer, Collection Fondation Daniel Langlois de la Cinémathèque québécoise, boite BOY 10. Voir aussi : Arbec, Jules (1973). « Graphisme lumineux : Gilles Chartier ». Vie des arts, vol. 18, no 71, p. 57.
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