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BERNAR HÉBERT
November 2021

Image tirée de Le Chien de Luis et Salvador, Bernar Hébert, 1984.

Ce souci d’une expression froide et même monotone, parfois linéaire et renouant avec un cinéma des premiers temps aux ressources expressives pauvres ou parcimonieuses, part d’une volonté ironique d’originalité qui nous dit que celle-ci n’existe plus.

Le Chien de Luis et Salvador

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Le Chien de Luis et Salvador, Bernar Hébert, 1984, 5 min.
Caméra : Richard Lalonde
Assistant à la caméra : Christian Fluet
Costume et maquillage : Richard Lacroix
Direction artistique : Marc-André Coulombe
Montage : François Girard
Aide à la production : Louise Cartier
Musique : Richar Edson
Comédiens : Diane Côté et Michel Ouellette
Producteur : Michel Ouellette (Produit à P.R.I.M.)
Compagnie de production : Agent Orange Inc.

Le Chien de Luis et Salvador – « un vidéo-clip d’une extraordinaire qualité », écrit le critique Alain Brunet1 – se présente comme une vidéo musicale inspirée par le surréalisme du film Un chien andalou (1929) de Luis Buñuel et Salvador Dali. La référence au film suggérée par le titre et par quelques images demeure assez ténue. Par exemple, une lacération avec de la peinture jaune en travers d’une caisse claire remplace la scène insoutenable du film original ou une lame de rasoir tranche un œil. Le vidéogramme de Hébert est certes postmoderne par la reprise et la dérive qu’il effectue à partir du film de 1929, mais surtout il est caractérisé par le détachement voire la froideur et ce qu’on a pu qualifier d’« inexpressionisme ». Ce terme qu’employait Germano Celant pour désigner et caractériser l’esthétique postmoderniste de l’art nord-américain peut ici s’appliquer à merveille. Dans le contexte de la prolifération des médias et des écrans – et c’est bien avant Internet – le décor et l’éclectisme prennent le pas sur la perspective et la profondeur et surgit ainsi une esthétique de la surface. Dans Le Chien de Luis et Salvador, il y a une sorte de pétrification du héros « qui donne lieu à une image inexpressive, plate et froide2 ». Celant ajoutait qu’« apparaît alors l’autorité de l’inexpressif, le totémisme de l’image anonyme3. » Ce souci d’une expression froide et même monotone, parfois linéaire et renouant avec un cinéma des premiers temps aux ressources expressives pauvres ou parcimonieuses, part d’une volonté ironique d’originalité qui nous dit que celle-ci n’existe plus. Ce vidéogramme a obtenu de nombreuses reconnaissances peu après sa sortie notamment le Special Merit Award à Tokyo, le premier prix au Festival international de vidéo de Locarno en Suisse et une Mention honorable au festival Under5 à Vancouver qui avait par ailleurs couronné Distance (1984, couleur, 5 min.) de François Girard et Luc Bourdon du premier prix. En 1985, le Dance Film Association de New York ainsi que le onzième Atlanta Film and Video Festival primait Exhibition, une vidéodanse de Hébert qui faisait partie de Zone 4 (1985), œuvre collective composée de quatre segments réalisés respectivement par François Girard, Bernar Hébert, Luc Bourdon, avec des transitions créées par Miguel Raymond. Il a notamment réalisé à partir d’une chorégraphie d’Édouard Lock et LaLaLa Human Steps, Sex Duo no 1 qui remportait le Special Distinction Award du dixième Tokyo Interna­tional Video Festival ainsi que le Gold Award du Dance on Camera Fes­tival organisé par le Dance Film Association de New York.

Bernar Hébert provient de la mouvance proche de la performance et du théâtre expérimental. Issu des laboratoires de recherche en théâtre comme ceux de l’Eskabel, de La Veillée et des Enfants du paradis, la troupe que dirigeait Gilles Maheu à la fin des années soixante-dix, il a travaillé, en 1980 et 1981, à l’Eskabel aux côtés de Jacques Crête, en plus de faire des films expérimentaux, des performances et des spectacles. Avec son acolyte Michel Ouellette il fonde en 1982 la compagnie sans but lucratif, Agent Orange4, pour réaliser des événements de diffusion d’art vidéo plutôt orientés vers la musique et la vidéo américaine et pour produire leurs propres vidéogrammes et spectacles. Agent Orange démarre en 1983 une programmation mensuelle au Spectrum et le premier programme de février présente notamment des œuvres de Meredith Monk, Brian Eno, mais aussi du poète John Giorno et du performeur québécois Michel Lemieux.

  1. 1
    Brunet, A. « Un happening de 200 000 $ ». La Presse, 22 septembre 1985, p. 73
  2. 2
    Celant, G. « L’Inexpressionnisme américain ». Performance, text(e)s & documents, actes de colloque sous la direction de Chantal Pontbriand. Montréal : Les éditions Parachute, 1981, p. 80.
  3. 3
    Ibid., p. 82.
  4. 4
    Nom légal : Théâtre de l’agent orange.
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