CinémaLes figures mouvantes de Léa Pool
Dès Strass café (1982) se profile dans le cinéma de Léa Pool un souci pour rendre compte de trajectoires personnelles, intimes qui avoisinent l’indicible.
La question est alors de savoir où se situent les personnages qu’elle capte et filme (les films de Pool sont tous traversés d’un souci photogénique frappant), l’image les interroge, les scrute et en fin de compte le devenir, ce qui adviendra pour soi et autrui est bel et bien la grande question qui traverse l’ensemble de ses films. C’est à la fois simple et compliqué à mettre en scène, car il ne s’agit pas de façonner caméra au poing une dramaturgie et des récits complexes, l’image sera plutôt un sismographe des âmes et si le motif s’affine de films en films, c’est qu’il est peut-être l’ultime défi qui connote la nature même de la forme cinématographique.
Jean Cocteau, en parlant de son travail poétique, disait malicieusement : «Je suis un mensonge qui dit toujours la vérité» et il est certain que le cinéma est le plus ardent des pièges parmi les arts de la représentation. Il scrute le réel à travers les moindres décors en carton, comme il va chercher la fiction dans le seul regard d’une héroïne filmée aux aurores et en plan rapproché (Emporte-moi, Léa Pool, 1996).
Le cinéma de Léa Pool n’est pas pour autant à prendre d’un bloc : il y a des périodes et des genres (des drames et chroniques actuels, jusqu’aux drames et chroniques historiques, enserrés au vingtième siècle), la respiration change, la palette se transforme, la tonalité aussi, au fil du temps, pour une cinéaste qui n’a jamais dérouté et a filmé sans relâche depuis plus de quarante ans. En attendant le prochain film, en voici donc treize à voir ou revoir, le plus souvent en sa présence.