Avec Des lumières dans la grande noirceur et Madeleine Parent, tisserande de solidarités je me suis plongée dans l’histoire ouvrière du Québec dans ces années qui préparent la révolution tranquille. J’aurai l’occasion de revisiter cette histoire lorsque, avec 4 autres cinéastes, j’ai été approchée pour réaliser un documentaire dans le cadre d’une collection sur l’histoire de la Confédération des syndicats nationaux, CSN : Cinq temps d’un mouvement.
Jusqu’alors, on se souvient de la grève de l’amiante surtout par le récit qu’en ont fait les intellectuels de l’époque, notamment le livre de Pierre Trudeau La grève de l’amiante publié en 1956. Après une recherche qui m’a permis de retracer les personnes impliquées dans le conflit, j’ai fait le choix de la raconter du point de vue des premiers concernés, les travailleurs en grève et leur famille. Une occasion inespérée compte tenu que plusieurs d’entre eux sont âgés et malades, un des participants est décédé d’amiantose avant même le lancement du film. Des récits émouvants de personnes exploitées qui portent les séquelles d’un travail dangereux et de la violence policière. Le film abordait en 1996 un sujet trop longtemps tabou au Québec, les graves risques pour la santé de l’amiante dont l’utilisation et le commerce ne seront interdits qu’en 2016 au Canada.
La grève de l’amiante de 1949 est considérée comme un moment charnière, car elle met en présence toutes les forces sociales et politiques qui vont faire basculer le cours de l’histoire au moment de la révolution tranquille. En ce sens, le film est particulièrement utile pour mieux comprendre l’histoire du Québec.
Commentaire de Johanne Daigle, Professeure d’histoire, Université Laval
Ce documentaire aborde un conflit devenu emblématique de la difficile condition ouvrière dans le Québec précédant la révolution tranquille. À partir de témoignages inédits d’hommes et de femmes qui ont vécu la grève d’Asbestos en 1949 et de précieux documents d’archives (films anciens, coupures de presse, etc.), il met en perspective de manière saisissante les grands enjeux représentés : l’imposant pouvoir des compagnies multinationales sur la ville mono-industrielle, l’appui des autorités politiques qui mettent à leur disposition les forces de répression policière, l’autorité dont bénéficie le clergé dans son rôle de médiation au sein de la société civile, y compris sur les militants syndicaux, et la solidarité communautaire manifestée aux familles de grévistes quand la justice sociale et la dignité humaine sont menacées. Ce film est une clé extrêmement signifiante pour comprendre la société québécoise au temps de Duplessis.