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Au départ, nous autres là... on était trois filles (1973-1980) : première partie
janvier 2024

Au cours de l’effervescence sociale des années 70, quelques femmes de la Ville de Québec s'approprient la vidéo légère et jettent les bases de ce qui deviendra Vidéo Femmes, un collectif de production et de distribution de vidéos faits par les femmes. Les membres de la première équipe racontent les débuts, les motivations, les premières activités de cet organisme unique en son genre, qui existera durant 40 ans. Entretiens menés avec Helen Doyle, Nicole Giguère, Hélène Roy, Johanne Fournier et Lynda Roy.

Extrait : « Nous autres là... on est trois filles », prod. La Femme et le Film, 1975

L’émergence de « La Femme et le Film » : une rencontre déterminante

Julia Minne : Pouvez-vous me raconter le moment de votre rencontre, Nicole et Helen? Comment avez-vous fondé le collectif avec Hélène Roy? Je sais qu’Hélène a commencé à travailler au sein du festival Women and Film au début des années 1970 en programmant des films de femmes à Québec. Alors, je vous écoute maintenant, racontez-moi tout!

Helen Doyle : Il était une fois... [rire]. En 1973, j’ai connaissance d’un festival qui se passe à l’Université Laval, un festival de films de femmes. Je suis allée à quelques représentations. J’ai découvert plusieurs films et tout de suite après, je me suis dit : « Ah, on peut faire ça? Je veux faire ça. Je veux faire ça. Je veux faire ça ». C’était comme une espèce de révélation. Par hasard, j’avais des amis graphistes qui avaient fait l’affiche du festival. Ils m’ont donné les coordonnées d’Hélène Roy.

Après le festival, j’ai téléphoné à Hélène et je lui ai dit : « Bon, j’ai été au festival et je veux faire la même chose ». Alors elle m’a dit : « Viens chez moi ». Je suis allée parler avec elle. J’avais déjà travaillé avec Nicole qui avait fait de la radio à CKRL, la radio communautaire de l’Université Laval.

Auparavant, j’avais fait une série qui s’appelait Un sourire à l’envers à la télévision communautaire de Québec. Même si je faisais des films, pour moi, ce que je venais de voir, c’était autre chose. C’était du cinéma. J’ai appelé Nicole et on est parties toutes les deux à la rencontre d’Hélène. Et je sais pas... tout s’est passé vite... Du jour au lendemain, on s’est retrouvées chez Papillon [rire].

Affiche du collectif La Femme et le Film. Collection de la Cinémathèque québécoise. 2023.0061.AF.

Helen Doyle et Nicole Giguère dans les années 1980. Collection personnelle de Nicole Giguère.

Hélène Roy en salle de montage pour le film Histoire des luttes féministes au Québec, 1980. Collection personnelle d’Hélène Roy.

Nicole Giguère : C’est à peu près ça! Papillon, c’était une mercerie pour hommes sur la rue Saint-Jean dans le quartier Saint-Jean-Baptiste à Québec, le premier local de notre groupe qu’on nommait à l’époque « La Femme et le Film ». Il se situait dans le sous-sol. C’était l’époque des groupes communautaires, des groupes populaires. L’idée était de faire un centre communautaire de communication où faire de la radio, de la vidéo, un peu de tout.

JM : Parlez-moi un peu de votre arrivée dans ce fameux local de la rue Saint-Jean. Comment vous êtes-vous organisées à partir du moment où vous vouliez être un collectif de production, de distribution et de diffusion?

NG : Au début, il y avait aussi des gars dans l’équipe. C’était un centre vidéo communautaire de quartier. Donc, on a commencé à filmer toutes sortes d’événements qui animaient le quartier Saint-Jean-Baptiste. Bon, moi, j’ai fait quelque chose sur les « robineux » comme on les appelait, les itinérants aux prises avec des problèmes d’alcool....

JM : Ça s’appelait Paye-moi donc un café (1974).

Extrait : « Vidéo Femmes par Vidéo Femmes », Nicole Giguère et Lynda Roy, 1984
Extrait : « Manifestation pour l’avortement libre et gratuit », prod. Vidéo Femmes, 1979

NG : Tout à fait! J’ai réalisé cette vidéo avec Sandy Mc Kay qui venait d'Ontario et qui a travaillé avec nous un certain temps au tout début. Je suis allée par la suite faire le montage au Vidéographe à Montréal. J’ai même ajouté une chanson de Bob Dylan, « One more cup of coffee for the road » [rire].

On a commencé à faire des sujets comme ça, sur les garderies populaires, les coops d’habitation. Et là, sont arrivées toutes les batailles pour l’avortement libre et gratuit, les manifestations féministes... On a commencé de cette façon, en suivant le mouvement de ce qui se passait un peu autour de nous. Et puis, si je peux sauter quelques étapes, à un moment donné, on s’est dit : « bon, nous, ce qui nous intéresse, ce sont les sujets qui concernent les femmes, visiblement ». Alors, on s’est séparées des gars qui étaient dans l’équipe et qui voulaient faire autre chose et on est parties de notre côté avec l’équipement. C’est là qu’on a changé de local aussi. Plus tard, on a décidé de renommer le collectif Vidéo Femmes au lieu de La Femme et le Film. Notre feuille de chou, notre petit cahier de distribution qui comptait quelques productions, s’appelait déjà « Vidéo Femmes ». On a décidé de s’appeler comme ça, de prendre le nom qui nous convenait, qui collait à ce qu’on faisait.

HD : Ça brassait pas mal sur tous les fronts dans ce quartier. Nous partagions les locaux avec un autre groupe vidéo plus « politique ». Michèle Péruse, Madeleine Bélanger, Nicole Renaud et Jean Fiset nous ont rejoints rapidement et nous nous sommes installées provisoirement rue de la Couronne dans une ancienne épicerie chinoise – minuscule et inconfortable. Avec l’aide d’Hélène Roy, nous avons aménagé le local. Nous avions pris possession d’un Portapack et recyclé des bandes et nous nous sommes lancées dans la production de Mamzelle Maman, Le mariage et puis après et d’autres. Nous bénéficiions d’un programme d’emploi du fédéral et c’était quand même un bon budget. Me souvenir de tout cela est pour moi un hommage à ma belle et grande complice Michèle Pérusse, aujourd’hui disparue et qui me manque terriblement.

NG : Tu as raison Helen de le souligner, cette période et notre implication dans le quartier Saint-Jean-Baptiste a été déterminante pour toute la suite de Vidéo Femmes, le choix de nos sujets, nos liens avec les gens, nos collaborations. Bien dommage que notre Michèle ne soit plus là pour nous rappeler plus de détails de cette période...

HD : Il faut aussi parler du « background » d’Hélène Roy, qui avait des enfants et avait fait beaucoup d’événements dans le domaine du théâtre et du cinéma pour enfants. Elle avait déjà une assurance que nous, on n’avait pas vraiment. Moi, je ne pensais pas à la vidéo, je pensais au cinéma, parce que je venais d’en voir.

Michèle Pérusse, Lise Payette et Nicole Giguère (de gauche à droite) sur le plateau de L’Humeur à l’humour, 1989. Photographe : Claudel Huot. Collection de la Cinémathèque québécoise. 2023.0034.PH.03.

Article de presse sur le projet Ciné-Vidéo-Bus, Le Réveil, le 17 juillet 1973.

NG : De mon côté, je n’avais jamais pensé faire du cinéma. Mais, j’avais fait de la photo et de la radio. J’avais étudié en psychologie et en sociologie. Ça m’intéressait tout ce qui se passait, l’effervescence au niveau de la société, des groupes populaires. On a commencé à tourner des choses qui nous intéressaient, et voilà. Ça s’est enclenché de cette manière, d’une chose à l’autre. Ce qui a aidé aussi c’est qu’Hélène Roy avait des contacts dans ce milieu-là qu’on n’avait absolument pas. Elle avait quand même près de 20 ans de plus que nous.

JM : Oui, tout à fait. Et moi, j’ai retrouvé des documents sur une tournée de diffusion nommée « Ciné-Vidéo-Bus » qui était pilotée par Hélène Roy, après le premier Festival de 1973. Donc, elle allait dans des villes du Québec pour montrer des films réalisés par des femmes et échanger sur les sujets abordés.

NG : Ces tournées de Ciné-Vidéo-Bus, c’était même avant qu’on soit là, Helen et moi. C’était l’été avant qu’on commence vraiment, qu’on ait nos propres équipements et qu’on commence à produire. Suite au festival, ils avaient organisé une assez bonne tournée pour présenter des films réalisés par des femmes. Nous, on voulait surtout tourner. On voulait produire.

JM : J’ai réalisé récemment une entrevue avec elle. Voulez-vous qu’elle prenne part au récit?

NG et HD [en chœur] : Évidemment! Que la doyenne s’exprime!

En tête-à-tête avec Hélène Roy

JM : Quand vous avez fondé le collectif La Femme et le Film, votre ambition n’était pas de devenir réalisatrice, n’est-ce pas?

Hélène Roy : Moi j’ai été très peu réalisatrice. En rencontrant Helen et Nicole au Festival du printemps 1973, on a eu le désir de prolonger cette expérience en créant le centre. Tout s'est fait graduellement parce qu'on essayait de trouver du financement.

JM : J’aimerais que vous me parliez un peu plus de votre parcours ainsi que de votre rôle au sein de Vidéo Femmes. Comment avez-vous géré le centre?

HR : J'étais premièrement mère de famille, j'avais cinq enfants, je ne me dirigeais pas vers une carrière de réalisatrice. J'étais plutôt spectatrice au départ. Puis, je m'étais impliquée dans la création de théâtre pour enfants. Après ça, j'ai découvert les films pour enfants que Rock Demers présentait à Québec. Mais, c'était un travail de bénévolat. J'ai donné beaucoup de temps et ça a très bien fonctionné à Québec. On a créé un public à la fois pour le cinéma et le théâtre. Au même moment, une équipe de Toronto cherchait des coordonnatrices pour le festival Women and Film de 1973 et Rock Demers a donné mon nom.

Image extraite d'un historique du festival Women and Film (sans titre), 1973. Collection de la Cinémathèque québécoise. 2023.0847.56.AR.

Hélène Roy durant le tournage de Demain, la cinquantaine, 1986. Collection personnelle d’Hélène Roy.

Moi, je ne visais pas du tout une carrière ou quoi que ce soit, mais j'étais très intéressée par les œuvres de femmes. Je découvrais en même temps la quantité de films réalisés par elles et l’absence de leur présence dans les programmations. Et puis, j'étais dans cette section du festival avec l'équipe de Toronto et on est parties à travers le Canada pour trouver de l'aide dans nos démarches et créer le centre à Québec. Alors, quand j'ai rencontré Nicole et Helen, j'avais déjà cette idée en tête. On a travaillé très fort pour trouver un local et faire des ateliers de formation pour apprendre aux femmes à faire de la vidéo. Cela me prenait pas mal de temps malgré la famille pour créer quelque chose de cohérent. J'ai fait des démarches auprès du Conseil des arts du Canada pour obtenir des subventions. J'étais un peu la porte-parole du centre et je n'avais pas fait d'études du tout dans le domaine de la communication. Comme pour mon premier film, Une nef...et ses sorcières. C'était un an après avoir réussi à obtenir un petit local. J'ai appris par hasard en rencontrant Luce Guilbeault, et une poète très connue... euh...

JM : Nicole Brossard?

HR : Nicole! Nicole que je connaissais déjà... J'avais beaucoup d'amis dans le domaine des arts. Alors c'est à ce moment-là que toutes les trois, on a vu un peu comme un flash la possibilité d'être témoins de la réalisation de cette pièce de théâtre en 1976 qu’elles étaient en train d’écrire avec d’autres auteures féministes de l’époque. Il faut dire que la pièce dont le titre original est La Nef des sorcières était absolument provocante pour l’époque. Elle mettait en scène sept monologues de femmes opprimées par la société de l’époque. Pour faire ce film, on était deux équipes de tournage. Je l'ai fait sur le tas en n’ayant aucune qualification, mais en travaillant beaucoup. J'ai fait le montage seule et c'est d'ailleurs Pierre Falardeau qui m'avait donné quelques notions de montage au Vidéographe.

JM : D'ailleurs, il y a deux réalisations d'Une nef...et ses sorcières. Il y a le montage avec les entrevues et la captation. N'est-ce pas?

HR : Oui, ce qui est arrivé c'est qu’au moment de la captation, il fallait avoir obligatoirement deux équipes. Alors, on avait aussi le Portapak du Vidéographe. Quand se sont déroulées les répétitions générales de La Nef des sorcières, il fallait absolument filmer à ce moment-là. Mais moi j'étais malade et je pense que j'ai fait une pneumonie. Personne d'autre ne pouvait le faire à ma place ce jour-là. On a dû filmer au moment où la pièce jouait dans la salle, sans autorisation, en se cachant sous le balcon du Théâtre du Nouveau Monde. Hélène Bourgault et moi, on avait chacune une partie à filmer. Hélène, la première partie et moi la deuxième avec des bobines de 30 minutes. Comme je connaissais par cœur tout le contenu, nous avons filmé seulement les moments-clés de la pièce.

La nef des sorcières de Nicole Brossard, Théâtre du Nouveau Monde, mise en scène de Luce Guilbault, 1975-1976. De gauche à droite et de bas en haut : Michèle Craig, Pol Pelletier, Luce Guilbault, Michèle Magny, Françoise Berd et Louisette Dussault. Photographe : André Le Coz.

Programme du Festival de films et vidéos de femmes en 1982. Collection de la Cinémathèque québécoise.

JM : Est-ce que ce film a beaucoup été diffusé?

HR : Pas tellement. Il était complètement à part de ce qu'on faisait d'habitude. On tournait en règle générale sur les garderies ou autres sujets sociaux. C'était le premier documentaire qui touchait les arts essentiellement. On ne faisait pas encore de distribution. Il a marché peut-être deux ans après sa sortie. J’ai été invitée à le présenter dans un festival à Montréal en 1979.

JM : En parlant de festivals, vous êtes à l’origine de la création d’un premier festival que vous avez développé en même temps que le centre de production et de distribution. Pouvez-vous m’en parler?

HR : En 1976, après notre film sur La Nef des sorcières, dans notre petit local au sous-sol, on a commencé à créer des événements en diffusant des vidéos qui avaient été réalisées chez nous et d’autres films de l'ONF initiés par l'équipe de la cinéaste...

JM : Anne Claire Poirier?

HR : Anne Claire Poirier! On a commencé à présenter des films pendant le mois de mars avec des débats. On a fait ça pendant deux ou trois ans de manière informelle. La réponse du public a été très favorable.

Le festival s’est d’abord appelé Festival de films et vidéos de femmes, avant de devenir quelques années plus tard Le Festival des filles des vues . C’est le plus ancien festival de films de femmes au monde, avant celui de Créteil en France. Les premières projections se sont déroulées dans les cafés à Québec comme Chez Temporel. Avec les films de la série « En tant que femmes » de l’ONF, on avait beaucoup de spectateurs, alors à un moment, on a eu accès à un petit centre de diffusion à l'ONF. C'était tout à fait important, parce qu'on réussissait à présenter des films méconnus. Puis en 1984, le festival a vraiment trouvé son port d’attache quand la bibliothèque Gabrielle-Roy a été construite en Basse-Ville de Québec. Les locaux de Vidéo Femmes étaient également en Basse-Ville. C’est notamment à cet endroit que le festival a fêté ses dix ans avec La Vidéo Fameuse Fête et a pris une envergure internationale. Au fil des contacts avec la France, le Japon. Louise et Nicole sont allées donner des ateliers de vidéo à des femmes au Japon.

Coupures de presse rassemblées par Hélène Roy dans les années 1980. Collection personnelle d’Hèlène Roy.

Bilan et subvention du festival La Femme et le Film, 1975. Collection de la Cinémathèque québécoise. 2001.0474.35.AR.

On a obtenu de petits budgets qui étaient parallèles au fonctionnement de Vidéo Femmes. Moi, j'ai coordonné le festival et participé à son développement avec l’équipe. On n’obtenait aucune aide de la ville de Québec et on a fait une conférence de presse pour souligner cet aspect. C'était Jean Pelletier qui était maire de Québec à ce moment-là, puis il a été remplacé par Jean-Paul L'Allier qui était plus ouvert. On a pu avoir l'appui de la ville et j'ai créé plus tard avec Nicole Bonenfant La Mondiale de films et vidéos réalisés par des femmes. Il y a eu deux éditions de ce festival international en 1991 et 1993, puis on a continué jusqu'en 1995. On faisait des événements de cinéma pendant les fins de semaine et je les coordonnais.

JM : J'aimerais bien vous entendre sur le fonctionnement du collectif, la réalisation de vos films, comme Demain, la cinquantaine par exemple, ou encore les collaborations de Vidéo Femmes avec d'autres collectifs comme le GIV...

HR : On avait beaucoup de collaborations avec le GIV.

JM : Ah oui? J'imagine avec Hélène Bourgault, mais qui d'autres?

HR : Oh oui, avec Louise Gendron par exemple. À un moment donné, elles ont créé un festival à Montréal de films de femmes. Alors, on était invitées avec d'autres vidéastes. Nous suivions de près leur festival.

JM : Avec quels autres collectifs avez-vous collaboré?

HR : Au Vidéographe, on avait rencontré Pierre Falardeau et Julien Poulin. C'était les deux techniciens du Vidéographe, ils s'occupaient de l'entrée et de la sortie des équipements et ils assistaient des gens. Falardeau devait m'initier au montage et il le faisait pour d'autres aussi. Ils ont réalisé leurs propres documentaires au même moment aussi. Et moi plus tard, au début des années 1980, à deux reprises, j'ai organisé dans un Cégep à Québec la diffusion de vidéos de Falardeau et Poulin.

Pierre Falardeau pendant le tournage de Pea Soup. Photographe : Carl Valiquet.Collection de la Cinémathèque québécoise. 1995.2166.PH.04.

JM : Incroyable! Vous évoquiez avec moi dernièrement les liens entre le monde du cinéma et de la vidéo, comment coexistaient ces deux mondes?

HR : On avait beaucoup d'échanges quand il s'agissait de diffusion entre autres. On trouvait de tout dans notre festival, on pouvait même diffuser en 16 mm, mais la bibliothèque n'avait pas de projecteur 35 mm.

JM : Ce que me disaient Sophie Bissonnette et d'autres, c'est que la vidéo était un peu un monde à part du milieu du cinéma.

HR : C'était surtout à Montréal ce problème! À Québec, il y avait très peu de productions cinématographiques, à part celles du cinéaste Richard Lavoie. Et puis quelques productions plus commerciales...

JM : Donc, quels étaient vos liens avec Montréal? Vous collaboriez principalement pour la diffusion des films?

HR : Oui, chaque année, j'allais visionner les films et vidéos qui avaient été tournés dans l'année. On a créé notre propre distribution avec des frais de location à partir des années 1980. Et puis, on a eu des formations avec Robert Morin à la...

JM : La Coop Vidéo?

HR : Oui, c'est ça. Alors, on a eu de la formation avec Robert et Jean-Pierre St-Louis et puis les autres noms m'échappent... pour pouvoir travailler avec la couleur. Et puis quand on a fait Tous les jours, tous les jours, tous les jours en 1982, ça faisait déjà deux ans qu'on faisait de la distribution. On commençait à avoir quelques œuvres dans notre répertoire. Dans ce catalogue, il y avait aussi des œuvres du GIV et de l'ONF. Il n'y avait pas seulement nos productions.

JM : Si je me souviens bien, votre circuit de distribution a débuté après Ciné-Vidéo-Bus, n'est-ce pas?

HR : Oui, ça c'était un projet de diffusion de 1974, financé par le gouvernement fédéral, ça s'appelait : « Perspectives jeunesse ». Moi, j'avais fait un appel, je l'avais affiché dans les résidences étudiantes de l’Université Laval. Quelques étudiants se sont présentés. On a montré leurs films ainsi que des films de femmes. Vous pouvez les retrouver dans les archives.

JM : Tout à fait.

HR : Donc ça, c'était un premier événement de diffusion. Comme on voyait de l'intérêt pour ces vidéos, on a mis sur pied le réseau de distribution et il y avait des frais de location qu'on percevait. Il y a eu les écoles secondaires, les cégeps, et certaines universités. On avait des clients assez réguliers.

À cette époque, le GIV avait mis sur pied un système de distribution, et nous, on avait imprimé un catalogue qui a été distribué un peu partout. C’était intéressant pour le GIV d’apparaître dans notre catalogue. On a aussi été en lien avec des gens de Sherbrooke, on recevait des vidéos et on regardait si on les acceptait ou non.

Affiche du film Tous les jours, Tous les jours, Tous les jours (1981), Vidéo Femmes. Collection personnelle de Nicole Giguère.

Plan de la tournée La Femme et le Film et Ciné-Vidéo-Bus. Collection de la Cinémathèque québécoise. 2023.0847.57.AR.

Dépliant du projet Ciné-vidéobec, 1974. Collection personnelle d’Hélène Roy.

JM : Quels étaient les critères?

HR : Il fallait que ce soit des documents réalisés par des femmes ou des collaborations avec des hommes. En général, c'était en fonction du sujet et des initiatives de femmes.

JM : Acceptiez-vous des productions cinématographiques ou était-ce uniquement des films tournés en vidéo?

HR : Les productions que nous avions en location étaient toutes en format vidéo. À Montréal, il y avait déjà des distributeurs de film, comme Cinéma Libre et Les Films du Crépuscule. Puis tranquillement, la vidéo a pris de plus en plus d'ampleur. Les premières vidéos qu'on a faites en 1973, celles de Nicole et Helen, ont été réalisées avec un Portapak. Puis petit à petit, on a acheté de l'éclairage et des micros plus sophistiqués. Une nef...et ses sorcières a été aussi entièrement filmé avec le Portapak.

De la diffusion à la production : nos premiers pas à la Superfrancofête

JM : Helen, tu me disais dans une autre entrevue que tu avais étudié aux Beaux-arts de Québec et notamment réalisé un film en 16 mm, je crois. Qu’est-ce qui t’a amené à t’intéresser à la création des femmes quand tu as vu ce festival d’Hélène Roy?

HD : À l’école, il y avait une caméra qui traînait et j’ai décidé de l’utiliser. J’ai commencé à m’informer à gauche et à droite. Je suis allée à la télévision communautaire et j’ai dit : « Moi, je veux faire des émissions ».  Ils m’ont donné une caméra et des bobines dont le contenu précédent venait d’être effaçé. Un technicien est venu me donner un cours de deux, trois heures pour m’aider, puis ensuite je suis allée tourner. Il ne reste rien de ça. J’ai fait entre autres une émission sur Nicole qui faisait du fromage.

NG : Qui élevait des chèvres dans une ferme à la campagne... C’était l’époque du retour à la terre !

HD : Alors, j’ai fait une série de six documentaires qui n’existent plus. Sauf le tournage avec Nicole, je lui ai donné à un moment donné pour son anniversaire.

L'équipe de Ciné-Vidéobec en tournée à travers le Québec, 1974. Collection personnelle d’Hélène Roy.

Extrait : « Femmes de la Super-FrancoFête », Helen Doyle, Hélène Roy et Jean Fiset, 1974

NG : Oui! Et j’ai encore la bobine noir et blanc 1/2 pouce avec mes chèvres [rire]!

JM : C’est génial! Je veux voir ça!

HD : Je connaissais ce circuit-là. J’ai fait ça un bout de temps. Mais, quand je suis allée au festival, je me suis retrouvée devant les films d’Agnès Varda et c’était magique! Il y avait des films de femmes qui venaient de l’international… C’était une grosse programmation. Je me souviens qu’il y avait du film d’animation aussi. J’étais dans mon fauteuil et je me disais : « Ooooh! C’est ça que je veux faire! ». C’est cet espèce d’élan-là qui m’a menée. Et la série que j’avais réalisée à la télévision communautaire, c’était déjà sur les femmes.

JM : Donc, tu avais déjà cette conscience-là que les films de femmes étaient sous-représentés. Il y a une vidéo qui a été numérisée par la Cinémathèque, c’est La Superfrancofête. On voit notamment Helen animer une discussion avec d’autres femmes qui viennent de Tunisie, du Liban...

HD : Ce sont les débuts, c’était à l’été 1974. La Superfrancofête présentait des artistes et des manifestations sportives de plusieurs pays. Par toutes sortes de ramifications avec des cinéastes de Québec, on m’avait engagée. J’étais un peu sur le terrain. À un moment donné, je m’étais dit : « Mon Dieu, je croise plein de filles! ». Donc, avec Hélène Roy, on a décidé qu’on allait prendre d’assaut les studios de la télévision communautaire. Alors cette fois-là, on a fait des entrevues avec plusieurs femmes venues d'ailleurs et on a décidé de garder les bandes. Je me souviens que c’était très compliqué de faire sortir certaines filles du campus où elles logeaient.

JM : Ah oui?

HD : Même à l’époque! Il fallait que les jeunes filles soient accompagnées de leurs chaperons. On avait réussi parce qu’Hélène était quand même un peu plus mature. Elle était mère de famille! Nous avons réussi à les convaincre en disant qu’on irait les chercher et les reconduire sur le campus après le tournage. On avait improvisé cette espèce de rencontre avec ces filles et réussi à les extraire de l’université sans être accompagnées.

Superfrancofête sur le campus de l'Université Laval, 1974. Photographe : Yves Tessier. CC-BY-SA. Wikimédia Commons.

Affiche du film Franc jeu : La Superfrancofête de Richard Lavoie, 1974. Collection de la Cinémathèque québécoise. 1988.0047.AF.01

JM : La Superfrancofête, c’était un événement organisé par le gouvernement?

HD : La Superfrancofête, c’était un immense festival international de la francophonie qui existe encore et qui, cette année-là, s’était tenu à Québec.

HD : Il y a un super beau film sur cet événement, réalisé par Richard Lavoie. Il a couvert pendant 10 jours un peu partout ce qui se passait dans la ville. Le film s’appelle Franc jeu : La Superfrancofête. Il se trouve sur le site de BAnQ.

NG : L’année d’après, en 1975, on avait travaillé toutes les deux à la Chant’août, qui était un événement au niveau de la chanson. On couvrait un peu ce qui se faisait. On voulait apprendre notre métier!

« Philosophie de boudoir » (1975)

HD : Nous avons tourné ensuite Philosophie de boudoir avec Nicole, au Salon de la femme en 1975 durant la fameuse Année de la Femme! J'avais un espèce de sentiment que ça marquait le coup, tu sais. C’est devenu une archive précieuse de cette époque!

NG : Nous avons travaillé avec la télévision communautaire pour réaliser cette vidéo comme nous ne disposions pas d’équipement à l’époque. Il y avait toutes sortes de kiosques pendant ce fameux Salon de la femme. On me voit d’ailleurs en tant qu’animatrice en train d’interwiever des personnes sur ce qu’ils pensaient du Salon, ce qui donne un résultat plutôt comique comme tu as pu le constater. Ce documentaire a vraiment une valeur d’archive. Ce sont des vieilles images, la qualité n’est pas très bonne d’ailleurs.

JM : Vous savez à quel point j’aime les archives! Ce film est très important pour moi. Il témoigne des premières expérimentations du médium et d’un autre côté, on sent que vous aviez aussi beaucoup d’audace et une envie d’apporter un autre point de vue sur les femmes, ce que la télévision et le cinéma ne traduisaient pas nécessairement de la bonne manière à l’époque.

Générique du film Philosophie de Boudoir, 1975, Nicole Giguère et Helen Doyle. Capture d’écran.

Extrait : « Philosophie de boudoir », Helen Doyle et Nicole Giguère, 1975

NG : Il est exceptionnel de ce point de vue. Imagine que nous n’avions jamais fait cela avant. Nous ne savions pas trop comment faire des films alors on s’est inspiré des reportages télévisuels de l’époque. Je disais : « Et voilà, nous sommes au Salon de la femme... » [rire]. Il n’y avait pas de narration, plutôt beaucoup de musique. On avait entre autres utilisé la chanson de Pauline Julien, « Ne vous mariez pas les filles ».

HD : Philosophie de boudoir a été réalisé rapidement. Nous avons tourné en une journée, monté la vidéo et demandé une copie du montage à la télévision communautaire. Encore une fois, nous avons tourné sur des bandes effacées. C’était nos premières armes! Finalement, on peut dire que c’est comme l’un des premiers « Kino » : tourné et diffusé le jour même à la télévision! [rire]

À la recherche de nouvelles alliées

Lynda Roy : C’est à ce moment-là que nous faisons notre entrée dans le collectif. Johanne et moi, on a aussi commencé à la télévision communautaire, celle de Lévis qui s’appelait « centre vidéo populaire de la Rive-Sud », on disait CV POP. Il faut se rappeler le contexte aussi. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes obligeait les câblodistributeurs à offrir ses services à la communauté, compte tenu qu’ils avaient une licence qui était une exclusivité.

C’était Vidéotron à l’époque qui distribuait sur notre territoire de Lévis et qui avait acheté les équipements pour une télévision communautaire. Et nous, on a formé l’équipe de CV POP. Moi, j’avais choisi les thèmes féministes. Johanne, tu filmais davantage les causes citoyennes. On couvrait l’actualité, mais aussi la réalité de notre localité. C’est à partir des télévisions communautaires qu’a émergé notre volonté de rester dans ce secteur-là qui nous plaisait et d’apprendre sur le tas comment faire. Moi, un peu plus tard, je suis allée au Vidéographe à Montréal, qui était un précurseur. Et là j’ai rencontré Hélène Roy, qui, elle, venait d’un groupe de femmes. Je me suis dit : « Wow! Il y a un groupe de femmes à Québec. Je ne le savais pas ». Et après, en Mai 77, j’ai pu participer à un stage en France grâce à l’OFQJ, l’Office québécois de la jeunesse, qui s’appelait « Féminisme et communication ». Johanne et Nicole étaient présentes. On a fait des liens avec plein de femmes, quelques-unes de la radio communautaire CKRL, des journalistes pigistes du Conseil du statut de la femme et d’autres de Viol Secours, qui prenaient la parole dans les médias. Bref, on est allées rencontrer nos homologues… nos « femmologues », en France !

L'équipe du Centre vidéo populaire de la Rive-Sud (de gauche à droite) : Lynda Roy, Luc Mercure, Denis Guay, Johanne Fournier au Centre Ciné vidéo Populaire de Lévis, 1977. Collection personnelle de Lynda Roy.

Johanne Fournier et Lynda Roy en tournage vers 1984. Collection personnelle de Lynda Roy.

JF : C’est Michèle Pérusse qui a eu l' idée de faire ce stage-là, qui l’a développé et présenté. C’était à peu près dans la période où Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos faisaient le film Sois belle et tais-toi. Et le film ressort présentement!

JM : Tout à fait. J’aimerais bien que Lynda et Johanne, vous puissiez vous introduire. Bon, Lynda, tu as parlé de ta rencontre mais qu’est-ce que tu faisais avant CV POP? Est-ce que tu avais fait ta formation en cinéma?

LR : Pas vraiment. J’avais essayé de rentrer au programme de communication qui se donnait à l’Université du Québec à Montréal. Chaque élève devait produire avec un Portapak. Je rêvais d’expérimenter avec la caméra. Il y avait aussi Pierre Bourgault qui y enseignait. Mais finalement, je n’ai pas été acceptée. Alors, je suis allée en sciences politiques et je me suis ennuyée à mourir. C’était très théorique. Je suis revenue à Lévis et j’ai intégré CV POP. Je connaissais déjà Johanne parce qu’on avait fait du théâtre ensemble au Cégep de Lévis-Lauzon.

JM : Et toi, Johanne?

JF : Moi, je venais du théâtre. J’avais donné des ateliers aux étudiants du Cégep Lévis-Lauzon. C’est là que j’ai rencontré Lynda. Je venais d’accoucher en octobre 1976. Mais, faire du théâtre, partir en tournée, tout ça, devenait moins évident. François, le père de ma fille, a suggéré qu’on pourrait former une nouvelle équipe pour repartir le Centre vidéo populaire de la Rive-Sud qui n’allait pas très bien. J’ai invité Lynda à venir. On a vraiment commencé toutes les deux. Au fur et à mesure, on a réussi à remettre sur pied le centre, on a recruté du monde et on s’est mises à faire beaucoup de projets. Il y avait des bénévoles et ça a grossi rapidement. C’était très effervescent. Si je me rappelle bien, c’était en janvier 77.

Catalogue de distribution du Centre vidéo populaire de la Rive-Sud. Sans date. Collection de la Cinémathèque québécoise. TK 6735 C41C4.

Extrait du film « 8 mars 80 ou des femmes sans hommes, c’est comme des poissons sans bicyclette », Johanne Fournier, CV POP Lévis, 1980

Lynda, effectivement, a fait un certain nombre de films sur la condition des femmes. Moi, j’ai travaillé sur les garderies, sur le congé de maternité, l’habitation, la caméra d’une main, la poussette de l’autre! Je me suis mise à couvrir des événements féministes aussi, autour de la journée de la femme, par exemple. J’ai fait une vidéo qui s’appelle 8 mars 80 ou Des femmes sans hommes, c’est comme des poissons sans bicyclette. C’était écrit sur une pancarte dans une manif. Il y a une photo de moi, je ne sais pas si tu l’as, Julia, mais je suis dans un pick-up en train de filmer une manif avec Monique Dion et Odette Mercure. Parmi toutes ces activités-là autour du 8 mars, j’apprends qu’il y a un festival de films de femmes à quelque part à Québec. « Ah, il faut qu’on aille filmer cet événement-là. Un festival de films de femmes! ». Alors j’y vais avec la caméra et je fais une entrevue avec Nicole Giguère.

NG : Je ne m’en souvenais pas du tout, mais, Julia nous l’a montrée l’autre fois!

JF : Oui, on a présenté un extrait quand on a fait la table ronde le 24 novembre 2022 à la Cinémathèque avec Julia. C’est comme ça que j’ai appris que La Femme et le Film existait. Lynda aussi les avait rencontrées. Alors de fil en aiguille, on a fait le stage en France avec ces femmes-là.

NG : Il fallait être quinze ou seize pour le stage. Nous n’étions pas aussi nombreuses. On était seulement cinq, six. Alors on les a invitées et elles sont restées avec nous après.

JF : Lynda, tu as intégré plus rapidement que moi l’équipe de Vidéo Femmes. Moi, je suis restée un peu plus longtemps au Centre vidéo populaire de la Rive-Sud, parce que j’ai fait en 1980 La violence ordinaire, pour lequel j’avais eu une bourse. C’était mon premier film de création réalisé avec des fragments et la théâtralisation d’un certain nombre de situation de la vie courante. Quand on a fait le lancement dans nos locaux dans le vieux Lévis, Hélène Roy était venue et avait dit : « On veut ce film-là. On veut le prendre en distribution et le présenter dans notre festival ». J’avais été extrêmement honorée. J’étais vraiment impressionnée. Ça, c’était en 1980, 1981. Je n’étais pas encore tout à fait à Vidéo Femmes. Après ça, je me suis vraiment jointe à l’équipe au moment de la réalisation du film, Tous les jours, tous les jours, tous les jours.

Tournage de Des femmes sans hommes, c’est comme des poissons sans bicyclette. Monique Dion, Johanne Fournier, Odette Mercure (de dos). Collection personnelle de Johanne Fournier.

Extrait : « La violence ordinaire », Johanne Fournier, 1980

JM : La violence ordinaire, tu l’as tourné en vidéo ?

JF : Oui, en vidéo. Une des premières productions ¾ couleur. J’étais allée monter à Thedford Mines, où était Mario Rouleau à ce moment-là. Le Mario Rouleau qui est devenu réalisateur de tous les gros shows par la suite. On était ensemble sur le conseil d’administration du Regroupement des télévisions communautaires de la province. Mario avait dit : « On a une table de montage à Thetford. Viens monter avec nous autres ».

JM : C’est un film que j’ai retrouvé dans les archives du distributeur Spira.

JM : Est-ce que vous pouvez me présenter Michèle Pérusse? Qu’est-ce qu’elle faisait?

NG : On a eu de l’équipement de la ville de Québec à un moment donné. Une caméra et une unité de montage, composée de deux magnétoscopes reliés ensemble. On a appris le fonctionnement de tout ça sur le tas, on peut dire! En l’essayant. On avait annoncé et organisé des ateliers. C’est comme ça que Michèle Pérusse est arrivée. Madeleine Bélanger aussi. Et d’autres qui sont restées moins longtemps. Donc, c’est comme ça qu’on a grossi l’équipe. Michèle Pérusse est restée pendant plusieurs années. Elle a réalisé et monté quelques productions et a occupé toutes sortes de métiers avec nous autres à Vidéo Femmes. Michèle était aussi journaliste, elle écrivait de sa belle plume des articles dans la Gazette des femmes, des choses comme ça.

HD : Michèle est venue à Vidéo Femmes parce qu’elle était en communication à l’Université Laval et elle disait : « On fait de la théorie, mais il n’y a pas de pratique ». C’est pour ça que plusieurs personnes étaient venues. Comme elle était journaliste, c’est elle qui nous a mises en contact avec plusieurs filles de La vie en rose qui, même si elles étaient à Montréal, s’intéressaient à ce qu’on brassait à Québec. Tous leurs articles recensés sur le site de la BAnQ sont dans le bas de la liste de notre page Wikipédia.

Affichette de la quatrième édition du Festival de films et vidéos de femmes, en mars 1980, présenté par La Femme et le Film. Collection personnelle de Nicole Giguère.

Nicole Giguère, Hélène Roy, Johanne Fournier et Michèle Pérusse (en arrière-plan) lors du tournage du film, Tous les jours, tous les jours, tous les jours, 1982. Collection personnelle de Nicole Giguère.

JF : Je trouve ça beau qu’une des premières activités du collectif ait été les ateliers de formation pour les femmes. Et une des dernières interventions aussi : quand tout le monde de Vidéo femmes se dispersait à la fin des années 90, c’est Lynda qui a créé les laboratoires vidéo pour recruter des nouvelles personnes.

NG : C’est comme ça que Vidéo Femmes a existé pendant 40 ans. Il y a bien des groupes qui se forment et qui, au bout de quelques années, s'éteignent. Les fondateurs font autre chose et le groupe tombe. Tandis que nous, on a voulu renouveler les équipes au fil des années.

JM : Oui, toujours avec l’idée de sensibiliser et d’apprendre aux femmes à être autonomes.

NG : On a fait de la diffusion avant la distribution! On a commencé par présenter nos propres productions un peu partout, organiser quelques tournées. On en a fait plusieurs par la suite, mais dès le début, il y a eu des tournées. Les films n’étaient pas diffusés ailleurs, alors il fallait s’en occuper nous-mêmes.

HD : Tout ça se construisait au jour le jour, par nécessité. Il y avait ce réseautage-là aussi qu’Hélène avait commencé avec le Festival de films de femmes. Tout à coup, on découvrait des vidéos faits par des femmes à Jonquière dans des télévisions communautaires. Et Johanne et Lynda à Lévis. Il y avait aussi à Montréal, les filles du Vidéographe, celles du GIV. On prenait connaissance tout à coup de toutes sortes de productions, qu’on s’est mises à collectionner. Donc, la distribution a commencé comme ça, graduellement.

LR : Tout est arrivé à cause de la technologie de la vidéo légère. Ça a permis une prise de parole, de prendre place dans la société. II y avait bien sûr l’idée de créer, mais aussi l’idée de partager. Alors, de là vient la diffusion et de là viennent les festivals. C’était tout tricoté ensemble. C’était une période très difficile pour les jeunes, pour se trouver du travail. Mais il existait des programmes gouvernementaux qu’on pouvait solliciter : Canada au travail, Perspectives jeunesse, Programme initiatives locales, on a bénéficié de ça plusieurs années.

JM : Nicole, on a très peu parlé de l’implication de ta sœur, Louise.

Tournage pour le Centre vidéo populaire de la Rive-Sud, 1978. Photo : Lynda Roy. Collection personnelle de Johanne Fournier.

Extrait : « Naître bien au chaud », Lynda Roy, Françoise Dugré, Louise Giguère, 1981

NG : Vers 1979, Louise revenait de Vancouver. Elle était allée enseigner le français un été. Ensuite elle a passé un an à l’Université Simon Fraser en communication. Quand elle est revenue, moi j’étais déjà à Vidéo Femmes. Elle a dit : « Je pourrais travailler avec vous. J’ai aussi étudié en vidéo ». Nous, on n’avait pas étudié, mais elle, oui! Elle avait rencontré Hélène Roy et Françoise Dugré qui, à ce moment-là, faisaient quelque chose sur le droit de vote des femmes. Je pense que c’est sa première contribution. Elle avait collaboré au montage sur les 40 ans du droit de vote des femmes.

Après ça, quand Lise Bonenfant est arrivée, elles se sont mises ensemble pour faire plusieurs vidéos. Elle en a réalisé aussi de son côté. Louise a fait beaucoup de caméra aussi. Lynda et Louise, c’était les principales camérawomen. Moi, j’en ai fait aussi. Je n’ai pas travaillé directement sur des productions avec Louise. J’ai travaillé avec Helen, et ensuite avec Johanne. Mais Lynda, peut-être un peu?

LR : Une des premières productions que j’ai réalisées avec Louise, c’est Naître bien au chaud. Je n’ai pas l’année exacte. Après, elle a fait Six femmes à leur place avec Lise, sur les métiers non-traditionnels.